Réjean Bonenfant : La vie devant soi
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Réjean Bonenfant : La vie devant soi

Réjean Bonenfant met un terme à sa trilogie Épuiser l’intime avec Terminer son baptême – Récits sur l’acte d’écrire. Un livre dont la sortie coïncide avec l’annonce de son Prix à la création artistique du CALQ.

"Tout le monde devrait écrire. C’est incroyable ce qu’on comprend du monde en écrivant", assure l’auteur trifluvien Réjean Bonenfant par un matin cotonneux. "Mais publier, ce n’est pas tout le monde… Oui, un livre pour soi ou cinq exemplaires pour des amis. Mais tout ne mérite pas de s’en aller dans la grande bibliothèque du monde. Il faut toujours se poser comme question: est-ce que c’est une oeuvre d’art; est-ce qu’elle mérite de figurer dans le panthéon des livres, dans la bibliothèque idéale? Il faut que ça fasse avancer la discipline, que ça amène une voix qu’on est tout seul à avoir."

Avec sa trilogie qu’il complète en lançant Terminer son baptême – Récits sur l’acte d’écrire, le récipiendaire du Prix à la création artistique 2007 du Conseil des arts et des lettres du Québec emprunte une avenue plus unique: son intimité. Mais cette fois, au lieu d’un hommage à sa mère (Mamerlor – Chroniques autour d’un Q-tip) ou d’une autofiction (La Chute des limbes), il s’intéresse au geste d’écrire. Il y parle de l’élément déclencheur, du goût de la lecture, du rapport avec les critiques et les lecteurs, de l’inspiration…

Bonenfant répète souvent qu’on crée à partir du manque. Né dans un studio des Terrasses Saint-Denis à Montréal, Terminer son baptême n’échappe pas à la règle. "Je me suis fait voler mon journal intime dans un café à Montréal, raconte l’écrivain. J’avais 50 pages et le plan de cet ouvrage à l’intérieur. Assis, le lendemain matin, je vivais un deuil, une perte… À partir de ce manque-là, tout le reste du livre a été différent." On apprend aussi que l’ancien enseignant cultive quelques rituels: il rédige toujours le premier jet à la main. "J’ai fait une expérience pour celui-là. À Montréal, je me suis mis à l’ordinateur; pour écrire la première page, ça m’a pris 10 ou 12 jours! Écoute, la main, c’est quelque chose… Avec un clavier, on pèse sur des pitons. Il n’y a aucune différence dans le geste entre taper le mot amour ou haine. Mais quand tu les traces avec de l’encre… J’ai donc compris au bout de deux semaines: j’ai imprimé cette page-là, je l’ai réécrite à la main et ça s’est enclenché!"

Au fait, son séjour montréalais a-t-il eu une incidence sur sa démarche artistique? "Oui, parce que je suis plus discipliné pour écrire. J’ai changé mes habitudes en passant six mois à Montréal. Je me couchais beaucoup plus tôt, j’écrivais le matin, répond-il. Le rêve vient nous laver la conscience; on a un regard neuf le matin. Je me suis rendu compte que c’est très mauvais pour un écrivain de lire le journal en se levant parce que ça nous débranche de nous-même. Donc j’écrivais très tôt le matin et avec une aisance. Et le journal, il est encore là à 10h ou dans l’après-midi!"

Véritable livre de chevet pour les apprentis écrivains, Terminer son baptême prend la forme d’un legs. "C’est toujours de l’écriture testamentaire que je fais parce que c’est possible que je meure avant de finir l’autre. Alors, c’est toujours mon dernier livre que j’écris. Et celui-là, je tenais à le faire tout de suite parce que comme je le dis à l’intérieur, par la lecture, on multiplie notre vie, mais par l’écriture, on la multiplie davantage."

Terminer son baptême – Récits sur l’acte d’écrire
De Réjean Bonenfant
Éd. d’art Le Sabord, 2007, 126 p.

À lire si vous aimez
Mamerlor – Chroniques autour d’un Q-tip et La Chute des limbes du même auteur

Terminer son baptême - Récits sur l'acte d'écrire
Terminer son baptême – Récits sur l’acte d’écrire
Réjean Bonenfant
D’art Le Sabord