Guy Gavriel Kay : La métamorphose

Lorsqu’il a décidé de s’installer pendant un an avec femme et enfants dans la villa "Sans Souci", à Aix-en-Provence, Guy Gavriel Kay n’avait pas l’intention d’écrire un second roman inspiré de cette région: "Je voulais faire de la recherche pour un roman complètement différent d’Ysabel, mais une fois installé là-bas, je me suis souvenu qu’il est impossible de faire 20 pas sans trébucher dans l’histoire", raconte l’écrivain qui a visité la Provence pour la première fois il y a une dizaine d’années, pour les besoins du roman Les Lions d’Al-Rassan, paru en 1999.

L’inspiration a surgi dans l’esprit de l’écrivain, renommé pour ses récits de fantasy historique, quand il a découvert le mythe entourant la fondation de la ville de Marseille (Massilia, à l’époque): "Vers l’an 600 av. J.-C., des marchands grecs ont accosté sur les rives de la ville et y ont fait la rencontre d’une tribu celte dirigée par Nannos. Ce dernier invita le capitaine du navire, Protis, à un festin durant lequel sa fille Gyptis devait choisir son mari. Gyptis choisit Protis. C’est ainsi que les Celtes ont permis aux Grecs de s’installer à Marseille et de faire du commerce avec eux", raconte Kay.

Poursuivant ses recherches sur la région, l’écrivain originaire de la Saskatchewan mais établi depuis plusieurs années à Toronto découvrit ensuite la bataille de Pourrières et du mont Sainte-Victoire, durant laquelle Marius a défait les Celtes et les Teutons sur le point d’envahir Rome: "L’idée d’Ysabel germait alors lentement dans mon esprit, puis quand j’ai vu la sculpture de la reine de Saba dans le cloître de la cathédrale d’Aix-en-Provence, elle s’est carrément épanouie", se souvient l’écrivain.

Pour la première fois, Kay confie le rôle principal de son intrigue à Ned, un Montréalais de 15 ans curieux et toujours équipé de son iPod. L’adolescent est en Provence avec son père Edward Marriner, photographe de renommée internationale sur place pour réaliser les clichés de son prochain ouvrage de photographie. Ned est avec sa nouvelle amie, Kate, une jolie New-Yorkaise de 15 ans, en Provence dans le cadre d’un échange étudiant, quand survient le premier d’une série d’événements qui vont changer sa vie: un inconnu surgit dans la cathédrale et les menace d’un couteau. Plus tard, durant une visite au mont Sainte-Victoire pour faire du repérage photo avec les assistants de son père, Mélanie, Steve et Greg, Ned est pris d’un violent malaise.

L’incident qui fait basculer le roman dans l’espace imperceptible séparant le passé du présent se produit toutefois plus loin, une nuit, sur le site historique d’Entremont. Malgré eux, Ned et Kate assistent à une antique cérémonie celte durant laquelle Mélanie devient Ysabel par magie. Terrifiés, Ned et Kate sont alors forcés de raconter ce qui est arrivé à Edward, Steve et Greg. D’abord incrédules, les adultes sont néanmoins obligés, pour retrouver Mélanie, de plonger tête première dans une quête où l’histoire, la magie et des êtres âgés de 2600 ans existent vraiment.

Hormis le fait qu’Ysabel se déroule aujourd’hui, le roman se distingue des précédents livres de Guy Gavriel Kay à cause de sa structure narrative: "D’habitude, je raconte mes histoires à travers le point de vue de plusieurs personnages, tandis que dans Ysabel, Ned est le principal narrateur", explique l’écrivain. Ainsi, pour que Kate, Edward, Mélanie, Greg et Steve prennent vie, l’auteur utilise plus que jamais le dialogue. On est d’abord déstabilisé par cette abondance d’échanges entre les personnages. Mais dès que s’achève la première partie du roman, qui sert de mise en place des événements et des personnages, on est quitte pour une quête (la recherche d’Ysabel/Mélanie) remplie d’action et d’un intense suspense.

À visiter, le site www.ysabel.ca créé par l’éditeur canadien-anglais de Kay. On y trouve entre autres les photos prises par l’auteur durant son séjour en Provence.

Ysabel
de Guy Gavriel Kay
Éd. Alire, 2007, 463 p.