Locoleitmotive : Voyage au bout de la nuit
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Locoleitmotive : Voyage au bout de la nuit

Avec Locoleitmotive, Michel Châteauneuf, Frédérick Durand et Pierre Labrie tentent un nouveau genre littéraire: la poésie-polar.

On dit souvent que deux têtes valent mieux qu’une. Alors imaginez ce qui se passe quand une troisième s’ajoute. Pour les auteurs trifluviens Michel Châteauneuf (La Balade des tordus, La quête de Perce-Neige), Frédérick Durand (Au carrefour des trois éclipses, Dernier train pour Noireterre) et Pierre Labrie (Le Mobile du temps, À minuit. Changez la date), un tel brassage d’idées s’est terminé par un livre de poésie peu orthodoxe, voire unique en son genre. Publié aux Éditions d’art Le Sabord, Locoleitmotive, bien qu’il emprunte la forme poétique, a été construit par les trois écrivains à la manière d’un polar.

Dans Locoleitmotive, la lumière et l’espoir n’existent pas. Seuls le grincement du fer et la haine en fusion. On fonce à vive allure vers des zones peu confortables: la laideur, la folie, la violence. C’est Lucifer qui est aux commandes! "C’est un train fou qui traverse les points chauds de la planète. À l’intérieur se joue un drame passionnel: un amant trahi broie du noir et mutile l’image de la femme, ce qui explique son discours un peu sanguinaire. Ça se passe surtout dans sa tête; c’est le désespoir qui l’habite", explique Michel Châteauneuf, qui place les sombres morceaux du puzzle. Oui, un puzzle, car, à la première lecture, on ne comprend pas toujours la structure, pourtant pas si complexe, du récit. "Il y a trois perspectives narratives, continue-t-il. Écrits de manière dactylographique, ce sont les propos de cet amant qui écrit à la femme avec un grand et un petit "f". Au-dessus de ça, il y a deux autres narrations plus omniscientes. Il y a une narration qui parle au "tu" et qui s’adresse à l’amant en détresse. Elle, son jeu, c’est de faire un parallèle entre le désespoir de l’amant en question et le désespoir de façon générale. C’est elle qui s’amuse à comparer la détresse de l’amant et le symbole même du train kamikaze qui fonce dans la nuit et qui fait une embardée poétique. Et la troisième narration, un peu plus intello, présente le thème récurrent du désespoir, mais de façon encore plus générale." Pierre Labrie ajoute: "La troisième perspective narrative vient aussi dire à l’amant : "Regarde, tu n’es pas tout seul dans la game.""

LA FOLIE EN TROIS

À l’image de son train fou, Locoleitmotive a été réalisé à une vitesse fulgurante. "Entre la journée où j’ai proposé à Michel et à Fred de faire le livre et celle où il est sorti de l’imprimerie, il s’est passé six mois pile", admet le poète Pierre Labrie, qui reconnaît que le processus de publication est habituellement plus laborieux. Au fait, comment est né le projet? "Un soir, en placotant ensemble, on s’est dit que ça serait bien d’écrire un livre. On s’est mis des balises. On a travaillé chacun de notre côté à partir des contraintes de la thématique [l’image du train et le désespoir] et d’une musique [qui rappelait des pulsations d’une locomotive]. On avait 13 textes à écrire, au début, pour démarrer. Après ça, on s’est revus pour se dire ce qui marchait. Avec le travail à contrainte, je l’avais vérifié avec d’autres avant, tu finis toujours par avoir des trucs qui se recoupent."

Une chose était claire pour eux cependant: ils ne désiraient pas produire un recueil de poésie dans lequel chaque auteur aurait une section à son nom. "On ne voulait faire qu’une seule voix. Au début, on s’est demandé comment on allait organiser ça. Le but, c’était d’arriver à créer une histoire. Et étonnamment, ça a collé." Cela s’est-il fait sans heurt? "À trois, c’est plus ardu; il faut discuter de tout. Quand on s’est aperçu qu’on avait trouvé la ligne, là, ça a commencé à être le fun", soutient Labrie en se remémorant ses agréables journées d’été cloîtré dans un chalet.

PROCHAIN ARRÊT: LA POÉSIE

Pour Michel Châteauneuf, c’était la première fois que sa plume se perdait dans les méandres de la poésie. Comment a-t-il trouvé l’expérience? "J’ai adoré ça, quoique j’ai trouvé l’expérience un peu difficile; je suis un romancier pur et dur. La poésie, c’est une autre dynamique. Il faut déstructurer la syntaxe. Mais j’ai adoré ça; j’ai passé une couple de nuits blanches. (rires)" Labrie complète: "Ça a été "rushant" pour les trois!" En effet, tout devait être passé au peigne fin; aucun tic d’écriture ne devait pimenter le récit. "On s’est posé des questions sur à peu près tous les mots dans le livre. En poésie, un mot peut devenir très agaçant alors qu’en roman, il peut passer plus inaperçu. Et comme on ne travaillait pas sur 300 pages, il fallait aussi être très précis."

Au final, Locoleitmotive – "Le titre, c’était une blague au début. J’avais toujours dit que si je faisais une incursion en poésie, mon livre s’appellerait Locoleitmotive", rigole Châteauneuf se veut une oeuvre hybride à la frontière du polar des années 40 et de la poésie moderne. "On s’est dit qu’on allait peut-être réussir à accrocher autant les lecteurs de poésie que de polar ou romans noirs parce qu’il y a vraiment une trame", espère Labrie.

Locoleitmotive
de Michel Châteauneuf, Frédérick Durand et Pierre Labrie

Éd. d’art Le Sabord, 2007, 51 p.

Locoleitmotive
Locoleitmotive
Michel Châteauneuf, Frédérick Durand et Pierre Labrie
D’art Le Sabord