Benoît Jutras : L’Année de la mule
Ah, poésie, quand tu nous tiens! Magnifique. L’Année de la mule, sous ses airs nawash où vents, pluies et tempêtes habitent cette voix forte qu’est celle de Benoît Jutras (poète à la proue de ceux de ce temps), figure quelque peu comme la somme du travail de l’auteur jusqu’ici dévoilé: une poésie par touches, contemplative, incantatoire, mémorielle, entremêlée de fables où les mythes païens côtoient un sacré jamais pur. Si le plus bel étonnement provenait toutefois de son précédent livre, L’Étang noir, Jutras nous convie ici superbement à l’éclatement de son art qui, par crescendos et palettisations d’images (mais donnant quelquefois dans la répétition), dépouille les saisons pour leur donner un sens à toutes distances du réel. Ces pièces concises, aux couleurs inquiétantes, apportent une musique, oscillant toujours entre le cri de l’angoisse et le chant des passions. Et de la plus belle manière. «petit-fils d’épouvantail, de pietà, de lessive, de boudin, je ressemble à un monde qui ne ressemble à rien, je n’écoute plus personne [.]». Éd. Les Herbes rouges, 2007, 120 p.