Bertrand Visage : Soleil trompeur
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Bertrand Visage : Soleil trompeur

Bertrand Visage signe l’un des meilleurs romans de la rentrée d’hiver française. Nous avons discuté avec lui de cet Intérieur Sud gorgé des lumières de Sicile et du chant noir des amours inachevées.

C’est une histoire de retours. Retour d’un personnage écorché sur les lieux d’une passion évanouie; retour aussi d’un romancier qui a choisi, comme décor à Intérieur Sud, son huitième titre, cette Sicile où il a naguère vécu quatre ans et où se déroulaient ses deux premiers romans, Tous les soleils (prix Femina 1984) et Angelica. "J’ai l’impression de refermer une boucle, oui. En fait, il s’agit plutôt d’une spirale, puisque je retourne vers les mêmes lieux, mais d’une autre manière", précise Bertrand Visage, qui qualifie volontiers ses premiers romans de "très baroques", alors qu’il nous livre ici, en effet, un travail sonore mais épuré, fruit d’une constante économie de moyens.

Qu’est-ce qui séduit d’abord, de cette écriture ultra-maîtrisée ou de ce récit improbable mais qui nous tenaille jusqu’à la dernière page? Difficile à dire, tant la chimie opère entre les deux, tant nous avons l’impression de traverser à la fois un texte savoureux, presque léger, et un projet littéraire complexe. "Entre nous, c’est le premier livre dont je sois entièrement satisfait", dira le romancier, conscient d’être parvenu à retomber sur ses pieds au terme d’une aventure audacieuse, à cheval sur le réalisme et le fantasmé.

Est-ce le directeur littéraire en lui qui s’accorde une bonne note, celui qui occupe au Seuil, depuis une dizaine d’années, les fonctions d’éditeur de romans français? "Entre l’écriture et le travail éditorial, il y a étanchéité complète!" proteste-t-il, amusé.

OMBRE ET LUMIERE

Arturo Straniero, 44 ans, retourne des années plus tard sur une terre où il a connu l’amour fou. Jusque-là, rien de singulier. Or le naturel désarmant avec lequel il va réintégrer son ancienne vie, jusqu’à s’introduire dans l’appartement qu’il occupait avec la belle Véronica, qui y réside toujours mais qui est alors absente, fait glisser le récit dans une espèce de rêve éveillé dont on se demande bien ce qui va y mettre un terme. Même les anciens voisins de Straniero ("étranger" en italien) l’accueillent tout sourire, déduisant qu’il s’est remis en couple avec son ancienne flamme, simplement heureux de le revoir dans les parages. "Il a besoin de transformer sa fantaisie en acte, et tout lui dit qu’il a raison de le faire!" explique l’écrivain. "En fait, j’espère en arriver à susciter l’adhésion du lecteur même quand je le mène dans la pure fantaisie. J’ai besoin d’une certaine apesanteur pour écrire, moi, besoin de contourner le réalisme. J’ai besoin d’enchanter le réel."

Au fil des jours, la quête du revenant va se muer en autre chose ("Pour être honnête, il ne pouvait pas dire qu’elle lui manquait beaucoup.") et la fureur qui l’habitait de revoir Véronica devient prétexte à des développements insoupçonnés, Visage ayant préféré le livrer aux hasards du présent plutôt qu’aux fantômes du passé. "D’ailleurs, nous saurons très peu de choses sur cette histoire d’amour, souligne-t-il. Je tenais à préserver une zone d’ombre là-dessus, parce qu’il ne s’agit pas de l’essentiel."

L’essentiel, ici, tient plutôt de la maestria déployée par Bertrand Visage à montrer les voies mystérieuses et parfois spectaculaires empruntées par la vie quand elle choisit de refaire surface.

Intérieur Sud
de Bertrand Visage
Éd. du Seuil, 2008, 192 p.

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INTERIEUR SUD

Début 1991, tout va bien pour Arturo Straniero. Ce Franco-Italien coule des jours heureux à Catane, en Sicile, avec Véronica, issue d’une grande famille au passé mafieux. Tout va bien donc, pendant un petit six mois, jusqu’à ce que, sans raison apparente, Arturo soit agressé sur la plage, édenté, laissé pour mort. S’ensuit un exil forcé au Chili, les "autorités" de Catane voulant manifestement se débarrasser de lui.

Huit ans plus tard, Arturo revient en Sicile, animé du désir profond, aveugle, de revoir Véronica. Il ira jusqu’à squatter son appartement, cette dernière ayant quitté la ville pour quelques jours. C’est alors qu’une fille tombe du ciel, littéralement, par une nuit d’orage. Dans sa robe vert anis, étendue sur le balcon, celle-ci va donner un tour inattendu à une histoire déjà délicieusement imprévisible.

Parvenant à rendre crédibles des situations qui au départ ne le sont pas, faisant filtrer toutes les beautés du paysage sicilien dans un récit de détresse hallucinée, Bertrand Visage nous donne un livre exceptionnel, dont il pressent qu’il ouvre pour lui une nouvelle phase d’écriture. À suivre de près.

Intérieur Sud
Intérieur Sud
Bertrand Visage
Du Seuil