André Jacques : D’art et de sang
Dans La Tendresse du serpent d’André Jacques, Alexandre Jobin, l’ancien enquêteur de l’armée devenu antiquaire, reprend du service.
Tiré malgré lui de sa confortable retraite, Jobin se trouve rapidement mêlé à différentes intrigues qui s’entrecroisent. Des journalistes enquêtant sur le crime organisé sont agressés, voire assassinés. Deux jeunes immigrants chinois illégaux tentent de revendre des oeuvres d’art qui semblent susciter bien des convoitises. Ne disposant que de quelques maigres indices, Jobin se lance dans l’enquête en solitaire, sans soupçonner la taille de la nébuleuse criminelle qu’il s’apprête à déranger. Onze jours d’angoisse et de dangers, alors que le froid et la neige de janvier n’arrêtent pas les plus déterminés.
Rencontré dans un café de Sherbrooke dont le décor de bric et de broc n’aurait vraisemblablement pas déplu à son héros, André Jacques partage aussi avec lui les mêmes initiales: A. J. "Simple clin d’oeil, dit-il en riant, parce que l’auteur se projette aussi dans chacun de ses personnages. J’ai voulu amener des éléments sympathiques à des personnages a priori antipathiques, comme ce motard amateur d’opéra."
Sans avoir vécu à plein temps à Montréal, André Jacques n’en a pas moins longtemps fréquenté la ville. Dans ce troisième roman, le boulevard Saint-Laurent, la Main, n’est plus cette rue qui sépare les deux solitudes de Montréal, mais plutôt celle où elles convergent toutes. Du Chinatown à la Petite Italie, en passant par Paris ou l’Estrie, le lecteur est promené entre lieux mythiques et coins inventés. "Les lecteurs de polars sont des gens très exigeants, très critiques. On n’a pas le choix de la vraisemblance, tant pour les lieux que pour le déroulement temporel. J’ai écrit avec des photos prises en repérage et Google Earth en même temps", raconte cet ancien professeur passé au roman.
Lorsqu’on lui mentionne que son écriture possède un caractère cinématographique, André Jacques acquiesce, en mettant toutefois le tout sur le compte d’une déformation professionnelle, lui qui a longtemps enseigné la littérature, l’histoire de l’art et le cinéma au collégial. "J’aime les polars qui reposent sur un fond culturel, où une oeuvre d’art est souvent le déclencheur de l’action, comme chez Arturo Pérez-Reverte. Les objets anciens sont porteurs d’une histoire."
Un autre romancier qui a les faveurs d’André Jacques est le Suédois Henning Mankell. "Ce que j’apprécie chez lui, c’est sa réflexion sur la société suédoise, qui n’est pas sans présenter quelques parentés avec nous, car la Suède a longtemps été l’un de nos modèles de social-démocratie. En général, je trouve que les auteurs européens s’intéressent davantage à la réflexion ou à la critique sociale que les Américains, plus préoccupés par l’action ou par l’individu."
"Le titre du roman est un oxymore, parce que lorsqu’on imagine la tendresse du serpent, on pense à de l’hypocrisie. Mais même ce qui est vil ou laid peut être tendre parfois. C’est un titre juste assez ambigu pour recouper plusieurs personnages et situations."
La Tendresse du serpent
D’André Jacques
Québec Amérique, 2008, 500 pages.
À lire si vous aimez /
Didier Daeninckx, Henning Mankell, Arturo Pérez-Reverte