Monique Proulx : La forêt des mal-aimés
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Monique Proulx : La forêt des mal-aimés

Monique Proulx visite un coin isolé des Laurentides, y faisant grouiller tout un microcosme d’hommes, de femmes et de bêtes qui, au fond, partagent les mêmes luttes fondamentales.

Quatre mois par année, Monique Proulx quitte Montréal pour la forêt laurentienne. Là, son regard est fasciné par tout un petit monde en évolution constante, qui apaise et repose, tout en rappelant jour après jour le caractère éphémère de toute chose. Pas étonnant que l’écrivaine, dont le travail est d’abord associé à la ville (Montréal, New York…), ait finalement fait de la nature le terreau d’un de ses livres. "En un sens, nous dit-elle, Champagne est le fruit de 25 ans d’observations. Toutes les petites scènes naturelles qu’on trouve dans le roman, le busard au cou cassé, les frasques du "rongeur céleste", cet écureuil intrépide, l’énorme brochet échoué sur la rive, les histoires de champignons, tout ça vient de notes que j’ai prises, de photos. J’ai toujours su que ça me servirait un jour, mais sans savoir à quoi exactement."

Entendons-nous: Champagne, l’ultime fruit de la démarche, est bien plus qu’un recueil d’historiettes naturalistes. L’essentiel se joue à hauteur d’homme et de femme, mais le lac à l’Oie et la forêt bruissent continuellement autour de leurs quêtes désordonnées, porteurs de consolations, de leçons, de présages.

Ces hommes et ces femmes, au coeur d’un été moins calme qu’il n’y paraît, on a un peu l’impression de les connaître, et si leurs gestes paraissent parfois d’une violence ou d’une inconscience à peine croyable, on ne doute pas un instant que l’être humain le plus prévisible puisse, acculé au pied du mur, agir de la sorte. "J’ai souvent travaillé autour de personnages plus grands que nature. Dans Le coeur est un muscle involontaire, par exemple, c’était cet écrivain fantôme, référence à Réjean Ducharme. Ici, les personnages sont des gens ordinaires, mais en eux, de grands combats ont lieu."

Le chassé-croisé de ces êtres en apparence si différents mais que les rhizomes de drames petits et moins petits relient entre eux permet à Monique Proulx d’aborder quantité de thématiques: famille éclatée, infidélité amoureuse, expérience de mort imminente, résilience, vieillissement, sexualité chez les personnes âgées, difficulté de préserver les espaces naturels ciblés par des promoteurs… On en passe, et beaucoup. "Ce que j’ai fait, c’est que j’ai placé des personnages ordinaires dans des situations qui ne le sont pas, puis j’ai laissé surgir l’histoire."

Champagne
de Monique Proulx
Éd. du Boréal, 2008, 400 p.

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CHAMPAGNE

Malgré les apparences, le titre du quatrième roman de Monique Proulx ne fait guère allusion au divin liquide perfectionné par Dom Pérignon. La romancière utilise plutôt le terme dans le sens qu’il avait au Moyen Âge, alors qu’il désignait tout ce qui n’était pas la ville. Son Champagne n’en est pas moins pétillant, et n’en cause pas moins de belles ivresses.

L’auteure nous conduit aux abords du lac à l’Oie, dont est en bonne partie propriétaire Lila Szach, vieille dame un peu ronchonneuse, polonaise d’origine, qui défend bec et ongles ce trésor vert aménagé avec le grand amour de sa vie, Jan, maintenant disparu. On rencontre aussi Jérémie, Claire, Simon, Marianne, Violette et d’autres personnages plus ou moins écorchés par l’existence, dont les vies entrecroisées donneront lieu à une formidable aventure humaine, faite de morts et de renaissances.