Philippe Besson : Passer aux aveux
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Philippe Besson : Passer aux aveux

Dans les pages du nouvel opus de Philippe Besson, un authentique roman d’amour intitulé Un homme accidentel, chaque mot est à savourer.

En 2001, la jeune trentaine, sous l’emprise des mots, Philippe Besson ose un premier roman: En l’absence des hommes, une histoire de guerre et d’amour où Marcel Proust est formidablement ressuscité. La critique est plus qu’enthousiaste et l’ouvrage reçoit le prix Emmanuel-Roblès. Depuis, chaque année, Besson offre un nouveau livre, des oeuvres ciselées et poignantes: Son frère (adapté au cinéma par Patrice Chéreau), L’Arrière-saison, Un garçon d’Italie, Les Jours fragiles, Un instant d’abandon, L’Enfant d’octobre, Se résoudre aux adieux et maintenant Un homme accidentel.

Pour ce roman, campé dans les contrastes de Los Angeles au début des années 90, Besson s’est à nouveau laissé guider par une contrainte formelle. Un homme accidentel est une confession en bonne et due forme. Celle d’un policier transformé à jamais par sa rencontre avec un acteur hollywoodien soupçonné du meurtre d’un jeune prostitué. Entre le policier et l’acteur, deux êtres que tout sépare, une immense passion va naître, un souffle qui va les arracher à la solitude et au mensonge. "J’aime bien les gens qui passent aux aveux, confie Besson. À un certain moment, il faut que les gens disent ce qu’ils n’ont pas osé dire, qu’ils révèlent ce qu’ils ont caché. C’est précisément ça qui m’intéresse: quand une personne sort du rôle qui lui a été assigné ou encore des non-dits, des silences. À un moment donné, il faut que les cuirasses tombent."

Partout dans ce roman, plus que dans tous ceux qui sont venus avant, il y a la fascination de son auteur pour l’Amérique. Dans la relation entre le flic et l’acteur hollywoodien, mais aussi dans les descriptions senties de Los Angeles et de ses environs. "Il paraît que ça fait très mauvais genre de le dire quand on est français, mais j’aime beaucoup l’Amérique, avoue Besson. Je pense que Los Angeles est un cadre idéal pour un roman. Pour moi, c’est un concentré de toutes les villes. Ça va du désert à l’océan. On y trouve toutes les cultures, toutes les classes sociales… C’est aussi le cliché, le fantasme américain par excellence. Et moi j’aime bien, dans mes livres, jouer avec les clichés."

UN ROMAN D’AMOUR

Philippe Besson affirme haut et fort que ce nouveau roman en est un d’amour. "C’était ma volonté d’écrire une histoire d’amour. Je voulais décrire le coup de foudre et ses conséquences. Je n’ai pas du tout honte. J’assume pleinement. Quand j’ai vu le film Brokeback Mountain, j’ai trouvé qu’il s’agissait d’une histoire très belle, très poignante. En même temps, j’étais terrassé par le fait que les deux héros soient vaincus par une forme d’autocensure. En sortant du cinéma, je me suis dit qu’un jour j’écrirais un livre où les deux personnages principaux seraient, comme les cow-boys de Brokeback Mountain, des symboles de la virilité et de l’Amérique. À la différence que mes personnages, eux, vivraient leur histoire. Une histoire où l’autocensure, la culpabilité et la honte seraient absentes. Une histoire d’amour solaire."

Le plus beau, c’est qu’en flirtant dangereusement avec le mélodrame, l’eau de rose et le romantisme outrancier, l’auteur arrive à éviter tout cela. "Je fais très attention à ces frontières, lance Besson. C’est un exercice d’équilibriste. Je suis le premier à avoir horreur du sentimentalisme ou du pathos. Il faut à la fois que le livre soit traversé par un grand souffle de sentiments et de passion et que pour autant ce ne soit jamais mièvre, grotesque ou ridicule. Je pense que cette fois, la pudeur et la lucidité du narrateur, son désir de s’expliquer les événements à lui-même, m’ont aidé à éviter tout cela."

Si les deux amants d’Un homme accidentel sont tels que Besson les a voulus, c’est-à-dire affranchis de toute honte, leur fin est tout aussi tragique que celle d’Ennis et Jack, les héros de la nouvelle d’Annie Proulx et du film d’Ang Lee. "Les grandes histoires d’amour ont souvent des fins tragiques, lance le romancier. Bien sûr, la fin de mon livre est tragique, mais l’histoire d’amour est vécue, elle existe. Et c’est peut-être aussi parce que nous sommes au comble du tragique que l’histoire d’amour est vécue. Il y a une urgence, une nécessité entre ces deux hommes. C’est sans doute parce qu’ils savent qu’ils sont condamnés, sans doute parce qu’ils savent qu’ils roulent à vive allure vers le gouffre, qu’ils accélèrent encore."

Un homme accidentel
de Philippe Besson
Éd. Julliard, 2008, 244 p.

Un homme accidentel
Un homme accidentel
Philippe Besson
Julliard