Francis Desharnais : Lever le voile
Avec Burquette, Francis Desharnais évite les préjugés faciles tout en inaugurant la nouvelle collection Strips chez l’éditeur Les 400 Coups.
Elle est jeune, elle est tout ce qu’une adolescente normale peut être aujourd’hui: superficielle, un peu rebelle et têtue. Et la première de ses préoccupations demeure son apparence: pantalons taille basse et chandail bedaine! Mais elle s’appelle Alberte (en hommage à Albert Camus), car son père est un extrémiste de l’intellectualisation. Et c’est pour lui faire prendre conscience du monde dans lequel elle vit que ce père intransigeant la forcera à porter une burqa. C’est ainsi que naît Burquette.
Depuis la sortie de Burquette il y a quelques semaines, plusieurs médias se sont amusés à tracer un parallèle entre les travaux de la Commission Bouchard-Taylor et ses retombées dans le sujet même de la bande dessinée de Francis Desharnais. La coïncidence fait sourire puisque l’auteur précise en introduction de son volume que l’idée de Burquette lui est venue alors qu’il se trouvait en France, où il travaillait comme assistant à l’animation sur Conte de quartier, une coproduction de l’ONF qui a obtenu une mention spéciale à Cannes en 2004. Le débat faisait rage là-bas sur le port du voile à l’école, et un ami aurait eu une remarque mordante sur sa fille à naître, disant qu’il était prêt à l’envoyer en Afrique pour éviter qu’elle ne devienne une petite princesse!
Pourtant, Burquette n’est pas vraiment une satire des accommodements raisonnables ou, à l’inverse, un regard sur l’hypersexualisation des adolescentes. "En fait, précise Francis Desharnais, c’est beaucoup plus au plan de notre perception que je voulais travailler. Comment nous, les Occidentaux, nous pouvons interpréter un phénomène qui nous est étranger comme le port de la burqa, par exemple. Je ne voulais surtout pas qu’on perçoive cette bande dessinée comme une critique de la religion, que ce soit l’islam ou le catholicisme. C’est vraiment beaucoup plus un regard sur la chose… C’est pourquoi il n’y a pas beaucoup de gags strictement visuels sur l’aspect de la burqa, car on peut facilement tomber dans la méchanceté et les préjugés faciles."
Si cette fameuse burqa demeure la trame principale de l’histoire, on y lit aisément un commentaire cynique sur les relations parfois tordues entre parents et enfants, en l’occurrence ici un père qui en devient ridicule à force de vouloir imposer ses convictions douteuses. "Je trouvais intéressante l’idée d’un père qui pousse toujours trop pour ouvrir sa fille de 14 ans aux réalités sociales. Alors qu’en fait, il reste quelqu’un de très maladroit qui n’arrivera probablement jamais à atteindre les buts qu’il s’est fixés pour sa fille. C’est pourquoi je lui ai donné beaucoup de défauts!"
Avec la fin ouverte de la BD, on a bien sûr demandé à l’auteur de Québec si les mésaventures de la jeune Alberte connaîtront une suite. "J’attends de voir comment va se dérouler la réception de ma BD, mais c’est certain que j’aimerais reprendre les personnages, car je les aime beaucoup et ils ont du potentiel. Par contre, pour ce qui est de la burqa, je crois que ça suffit comme ça!"
Burquette
de Francis Desharnais
Éd. Les 400 Coups, 2008, 78 p.
Les 16, 18 et 19 avril
Au Festival de la BD francophone de Québec
Programmation: www.fbdfq.com