Monique Deland : Naître ou ne pas naître
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Monique Deland : Naître ou ne pas naître

Monique Deland trace, avec Miniatures, balles perdues et autres désordres, la bouleversante trajectoire d’une pensée devant l’incongru, l’inéluctable et la violence entre deux êtres que tout, pourtant, devrait unir.

Le titre annonce tout un programme, et la suite, hérissée de fleurs noires et insolites, remplit les promesses une à une. Miniatures, balles perdues et autres désordres est un recueil de poésie mais n’est pas que cela – nulle part on ne trouve le mot "poème" sur la jaquette, d’ailleurs. L’écriture de Monique Deland y est poétique, infiniment, elle en a l’impact, le souci de l’essentiel, mais la forme est presque celle du récit, un récit découpé en huit segments, huit degrés de panique devant le monde.

Les courts textes en prose disent d’abord l’aspect inéluctable des choses, le désir de se faire petit, voire invisible, peut-être pour participer le moins possible au désordre ambiant, à ce ballet risible où "vivre, inventer et craindre s’enchevêtrent et s’équivalent". Puis s’ouvre une réflexion dérangeante, chargée d’une violence qui prend à la gorge, sur la procréation, la voix principale du recueil décrivant l’arrivée d’une fille qui représente, à elle seule, "une apocalypse", "la revanche des enfants dévorant Saturne. Goya viré à l’envers". Le genre de réflexion qui n’apparaît possible que dans le registre du poétique, dont la nature permet de montrer d’un même geste et le proche et le lointain, et le sujet et le symbole à quoi il renvoie. Heureusement d’ailleurs que l’auteure ouvre parfois des portes sur un deuxième degré, tant la haine d’une mère envers son enfant, tout comme la manifeste incompatibilité de cet enfant avec la valse des vivants, a quelque chose d’insoutenable.

On pourra voir différentes choses dans ce chant triste et affolé, y voir une histoire spécifique ou plutôt l’extrapolation de sentiments rarement exprimés en littérature, ceux d’une vie bousculée dans ses fondements par l’arrivée d’une autre, ce qui est certain, c’est que de cette thématique à haut risque, Monique Deland parvient à tirer une langue très puissante, renversante de beauté, de courage. Il y aura bien des cris et des renoncements avant de pouvoir dire, en effet, "c’est ici que nous naîtrons peut-être. Avec l’aisance de l’eau. Parmi les petites pierres crachées des volcans". Et encore, plus rien ne sera gagné d’avance en ce territoire blessé, qui a vu les sentiments les plus purs attirer tous leurs contraires, leur bestiaire de monstres, et où les protagonistes ont tant cherché à "tomber dans la paix des astres".

Le quatrième livre de Monique Deland est un objet étrange, excessif, inclassable, obsédant. N’est-ce pas ce que l’on espère d’abord d’un projet poétique?

Miniatures, balles perdues et autres désordres
de Monique Deland
Éd. du Noroît, 2008, 114 p.

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Territoires occupés, de Christiane Frenette

Miniatures, balles perdues et autres désordres
Miniatures, balles perdues et autres désordres
Monique Deland
Noroît