Lectures d'été : Cocktail littéraire
Livres

Lectures d’été : Cocktail littéraire

Nous le savons, nos lecteurs aiment bronzer intelligent. Quelques suggestions de nos collaborateurs…

Polar
Le Complot Cézanne
de Thomas Swan

Des autoportraits de Cézanne défigurés à l’acide. Une enquête haletante dans les coulisses du marché de l’art international, que vient compliquer le meurtre obscur d’un galeriste. Des collectionneurs plus colorés les uns que les autres, un brillant inspecteur de Scotland Yard, une séduisante jeune femme qui sait comment mener les hommes par le bout du nez… A-t-on besoin d’en dire davantage? L’écrivain états-unien Thomas Swan a placé dans son Complot Cézanne les parfaits ingrédients d’un livre à lire en cherchant son air. Mieux, il l’a fait avec talent, livrant une lecture très documentée d’un milieu de raffinement, mais aussi d’avarice et, faut-il croire, de cruauté. Éd. Libre Expression, 2008, 488 p. (T.M.-R.)

Livre-CD
Les Aventures de Samuel de Champlain
de Francine Légaré, illustré par François Girard

Qu’a bien pu raconter Champlain à Henri IV pour que ce dernier l’autorise à fonder une colonie au bord du lointain Saint-Laurent? Comment s’y est-il pris, une fois sur place, pour fouetter ses troupes épuisées par le voyage et les convaincre d’ériger un bâtiment avant que l’hiver ne sévisse? Comment a-t-il échappé au complot d’assassinat fomenté contre lui par quelques-uns de ses hommes? Ce livre illustré répond à ces questions et à bien d’autres, l’auteure Francine Légaré remontant à l’enfance du petit Samuel, déjà fasciné par les capitaines des bateaux mouillant au port de Brouage, et suivant son sillage jusqu’au grand projet de sa vie: celui de fonder une cité à cet endroit du fleuve où "l’eau se rétrécit". Un texte qui trouve son prolongement musical sur le CD inséré dans la jaquette, à travers les chansons qu’en a tirées Gaëtane Breton. Alors que le 400e de Québec bat son plein, une belle occasion de se rappeler ce que l’on fête au juste. Éd. Planète rebelle, 2008, 64 p. (T.M.-R.)

Biographie
Jack London
de Jennifer Lesieur

"La vie de Jack London débute comme une nouvelle de Jack London. La suite ressemble à l’un de ses romans." Ces mots ouvrent bien la nerveuse, très fouillée, passionnante et de fait romanesque biographie consacrée par la jeune journaliste Jennifer Lesieur à l’écrivain le plus lu du début du 20e siècle, mort à 40 ans (en 1916) après avoir vécu plus intensément que bien des gens morts à 110. L’auteur de Croc-Blanc apparaît ici dévoré par une énergie folle, passionné par la nature humaine et les luttes qui la tenaillent, celles qui s’organisent au coeur de l’homme comme au coeur de la société. À lire ensuite ou en parallèle: Carnet du trimard, petit livre réunissant deux inédits de London dénichés par Lesieur au cours de ses recherches. Éd. Taillandier, 2008, 416 p. (T.M.-R.)

Roman
La Réserve
de Russell Banks

L’auteur d’American Darling signe avec La Réserve l’un de ses plus envoûtants romans, qui prend pour pivots deux personnages plus grands que nature, le peintre et aviateur Jordan Groves et Vanessa Cole, fille adoptive du réputé neurologue Carter Cole. Ces deux-là se rencontrent lors d’une réception donnée par le père de Vanessa dans sa maison des Adirondacks, au coeur de la très sélecte Tamarack Wilderness Reserve. Lui, célèbre, orgueilleux, a longtemps sillonné le monde mais cherche à devenir un meilleur père de famille; elle défraie régulièrement la chronique mondaine, au terme de quelque aventure sulfureuse avec une personnalité en vue. Il a beau être sur ses gardes, leur soudaine passion l’un pour l’autre les consumera, ainsi que quelques autres. Petite histoire fortement arrimée à la grande, celle de la guerre civile espagnole, de la montée du nazisme et ses échos nord-américains, du zeppelin Hindenburg… Coup de coeur. Éd. Actes Sud/Leméac, 2008, 384 p. (T.M.-R.)

Fantastique
L’Ombre de Malabron
de Thomas Wharton

Depuis la mort de sa mère, la vie de Will Lightfoot a basculé, et son père lui impose maintenant un déménagement loin de ses amis. En route vers son nouveau foyer, Will aperçoit un parc d’attractions, mais son père refusant de s’y rendre, l’adolescent part seul à l’aventure et se retrouve happé dans le Royaume des mille Périls, le monde d’où viennent tous les contes. Secondé par la jeune aventurière Rowen, son grand-père Nicholas Pendrake et Chardon le loup parlant, Will tente de retourner auprès des siens. Mais il doit d’abord vaincre Malabron, le Roi de la nuit et ses inquiétantes grièches. L’écrivain albertain, auteur des romans pour adultes Un jardin de papier (2001) et Le Champ de glace (2002), livre le premier tome d’une trilogie fantastique qui envoûtera autant les ados que les adultes. Éd. Trécarré Jeunesse, 2008, 504 p. (C.F.)

BD
Dômu (rêves d’enfants)
de Katsuhiro Otomo

Un complexe HLM est aux prises avec une vague de "suicides" de résidents n’ayant à première vue rien en commun mais qui finissent tous par se jeter du haut de leur immeuble. Tandis que l’enquêteur responsable de l’affaire succombe de la même manière, la police en vient à suspecter un vieillard doté de redoutables pouvoirs de suggestion… Avant Akira, qui deviendra une oeuvre maîtresse du manga japonais, Katsuhiro Otomo a créé ce "seinen" gore et réaliste réunissant déjà ses thèmes de prédilection, le monde de l’enfance, la violence et la parapsychologie se mêlant à une ambiance post-apocalyptique proprement angoissante. Avec ses perspectives maîtrisées, ses jeux de lumières flamboyants, Dômu (rêves d’enfants) reste une oeuvre fort habile, poétique et élégante. Cette nouvelle réédition en français a l’avantage appréciable de revenir à la fois au sens de lecture original de droite à gauche et au noir et blanc, rassemblant les trois volumes habituels en un seul livre de format manga. Éd. Les Humanoïdes associés, 2008, 232 p. (É.P.)

Revue
Éloge de la marche (Moebius, no 116)
collectif

Excellente cuvée que ce numéro de la revue Moebius entièrement consacré au thème de la marche, auquel ont collaboré pas moins de 23 écrivains. Du "marcheur émouvant" de Bertrand Laverdure au pèlerin médiéval de Guylaine Massoutre, en passant par le promeneur littéraire de Claire Varin, il s’agit souvent de faire l’éloge de cette "trajectoire sans cible" qui consiste à "promener son rêve", comme le rappelle en introduction Lysanne Langevin. Cet éloge peut prendre diverses formes, les magnifiques poèmes d’André Brochu, Denise Desautels et France Théoret côtoyant la prose de Marc Vaillancourt, Louise Cotnoir et Jean-Claude Brochu. Pour ce dernier, la promenade sans contrainte (par opposition à la "marche utilitaire") reste la meilleure allégorie de l’essai littéraire, "écriture au cours de laquelle ma réflexion s’autorise l’erreur de l’errance, le retour sur ses pas jusqu’à l’indétermination". Éd. Triptyque, 2008, 161 p. (É.P.)

Nouvelles
Le Rire des poissons
de Jade Bérubé

Entre Londres et le Mexique, les micro-récits de Jade Bérubé donnent à voir différentes terres, différents lieux, nous ramenant souvent sur cette Côte-Nord dont les personnages contiennent l’essence: petit garçon à qui la Vierge apparaît dans l’église de Fermont, Montagnaise penchée sur les chutes de la rivière Manitou, épouse d’un entrepreneur enrichi par la prolongation de la route 138… Derrière son joli titre, Le Rire des poissons abrite ainsi une douzaine de textes dont la densité sémantique tient davantage du poème en prose que de la nouvelle, multipliant par ailleurs les voix narratives. Le texte de clôture, "Aimée", donne par exemple la parole à une adolescente de 14 ans qui, voulant fuir la "gerçure de l’ennui", prend la fuite à bord d’un autobus et finit par se retrouver à Chandler en plein hiver: "Les traces, ça mène parfois à des surprises de parcours." Éd. Marchand de feuilles, 2008, 67 p. (É.P.)

Roman
Absurdistan
de Gary Shteyngart

Précédé d’un impressionnant concert d’éloges, le second roman de l’écrivain américain d’origine russe Gary Shteyngart s’avère un monument de cynisme. Peignant d’abord à gros traits le portrait d’une Russie déliquescente, sauvage, l’auteur livre ensuite son antihéros, Micha Vainberg (fils d’oligarque, jeune millionnaire obèse et oisif), en pâture aux habitants de l’Absurdistan, ex-république soviétique oubliée de tous… sauf des compagnies pétrolières et de la tristement célèbre firme Halliburton qui y tirent les ficelles d’une guerre civile sans queue ni tête. Satiriste accompli, Shteyngart aligne les personnages plus cons que nature (quoique…), ajustant habilement le pH de ce cocktail hyper-acide de grandes lampées d’un humour savoureusement alcalin, porté par une prose astucieuse qui n’épargne rien ni personne. Éd. de l’Olivier, 2008, 414 p. (D.D.)

Roman
Une brève histoire du tracteur en Ukraine
de Marina Lewycka

Les problèmes de Nadezhda (Nadia) débutent le jour où elle reçoit un appel de son père Nikolaï. Comme si de rien n’était, il lui annonce qu’il va épouser Valentina, une pimbêche ukrainienne de 36 ans qui cherche le moyen le plus simple et le plus rapide d’obtenir la citoyenneté anglaise pour elle et son fiston. D’abord attristée que son père fasse un tel affront à leur regrettée mère, Nadia réalise que quoi qu’elle ou sa soeur Vera fassent, rien ne l’arrêtera: Nikolaï est résolu à se livrer corps et biens à Valentina, tout en poursuivant l’écriture de son livre sur l’histoire du tracteur en Ukraine. Tout en essayant de protéger son père, Nadia redécouvre l’homme qui lui a donné la vie à une époque marquée par la guerre et la misère. Une chronique tragicomique écrite dans un style vivant et léger. Éd. Alto, 2008, 397 p. (C.F.)

Chroniques
Les Pintades à New York
de Layla Demay et Laure Watrin
Le carnet des Françaises Layla Demay et Laure Watrin ne saurait être plus à propos, alors que la déferlante Sex and the City s’abat sur la Métropole. Les Pintades à New York se veut une série de chroniques sur la vie des New-Yorkaises suintant l’humour bien parisien. En effet, les deux journalistes proposent une analyse comportementale grinçante de ces "overachievers", "professional mothers" et autres drôles d’oiseaux qui habitent la Grosse Pomme, mais aussi un petit bottin fort bien étayé de ce que la ville a de mieux à offrir. Envie de vous faire peindre les ongles en Fuck me red ou d’expérimenter un entraînement de type boot camp avec une louve des SS qui répond au sulfureux nom de Lauren Brenner? Tout y est, y compris ze recette originale du fameux cosmo. Éd. Le Livre de Poche, 2008, 317 p. (E.V.)