Conversations avec Peter Brook et Climat de confiance : Grand explorateur
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Conversations avec Peter Brook et Climat de confiance : Grand explorateur

Deux ouvrages d’entretiens avec le metteur en scène Peter Brook ont récemment fait leur apparition en librairie: Conversations avec Peter Brook et Climat de confiance.

Au cours des dernières années, les admirateurs du metteur en scène Peter Brook ont pu se plonger dans quelques ouvrages fort pertinents, dont l’exceptionnelle biographie (autorisée) de Michael Kustow (Seuil, 2006) et l’édition revue et augmentée de l’étude de Georges Banu, Vers un théâtre premier (Seuil, coll. Points, 2005). Mentionnons aussi Brook par Brook, un superbe documentaire réalisé en 2002 par Simon Brook, fils du metteur en scène.

Puis, pour ajouter au bonheur, l’an dernier, à quelques mois d’intervalle, des recueils d’entretiens avec Brook ont fait leur apparition en librairie. Au Seuil, Margaret Croyden, critique de théâtre new-yorkaise, a signé Conversations avec Peter Brook, un ouvrage paru en anglais en 2003. À L’instant même, Pierre MacDuff, directeur général du Théâtre Les Deux Mondes depuis 1991, a donné Climat de confiance.

TETE-A-TETE

En alignant les entretiens qu’elle a réalisés entre 1970 et 2000, dont plusieurs ont été publiés dans The New York Times et American Theatre, Margaret Croyden offre une vue d’ensemble, un parcours chronologique au coeur d’une oeuvre exceptionnelle. Conversations avec Peter Brook est la traversée d’une pensée en perpétuelle redéfinition. Il est question du Songe d’une nuit d’été, de l’installation à Paris, des expériences perse et africaine, d’une incursion à l’opéra (La Tragédie de Carmen), du retour à la Royal Shakespeare Company (Antoine et Cléopâtre), du Mahabharata, de La Tempête, de L’Homme qui, de La Tragédie d’Hamlet et du film Rencontres avec des hommes remarquables. En fin d’ouvrage sont réunis des extraits de conversations sur des sujets aussi divers que le sexe, la politique ou la philosophie.

Le regard de Croyden est curieux, critique et passionné. Parfois, elle confronte l’homme de théâtre à ce qu’elle considère comme des failles dans son raisonnement. Brook accepte alors, bon joueur, de clarifier sa pensée, parfois à plusieurs reprises. Les entretiens sont tous précédés d’une indispensable mise en contexte. Il y est question de la réception critique et publique des oeuvres, mais aussi de la nature esthétique de la représentation, de son caractère novateur, voire révolutionnaire. En s’appuyant sur des exemples précis, en discutant de choix concrets de mise en scène, les entretiens dessinent peu à peu, tout naturellement, la méthode de Brook, sa vision du théâtre.

On apprend avec grand intérêt comment son nés les spectacles, quelles sont les idées qui sous-tendent les choix esthétiques, la part du hasard et de la confiance, mais aussi celle de l’audace, du risque et de l’anticonformisme. Les considérations de Brook, qu’elles concernent la scénographie, la dramaturgie, le jeu ou encore le monde dans lequel il crée, sont éminemment éclairantes. Elles témoignent d’une intégrité artistique et intellectuelle peu commune.

EN PUBLIC

Dans Climat de confiance, Pierre MacDuff rend compte de deux entrevues qu’il a réalisées devant public en mai 1996. À l’époque, l’homme était codirecteur artistique du Carrefour international de théâtre de Québec, où Brook accompagnait sa relecture de la pièce Oh les beaux jours de Samuel Beckett. La première des deux discussions s’est faite devant les médias; la seconde, ouverte au public, a davantage attiré des gens du milieu théâtral. Le "climat de confiance" auquel le titre de l’ouvrage fait référence, c’est celui que le metteur en scène tient à établir avec ses acteurs et concepteurs – pour vaincre la peur, ennemie numéro un – mais aussi avec les spectateurs de ses créations.

Il est ici question de l’actualité perpétuelle de Beckett, de la culture du mélange qui prévaut au Centre international de création théâtrale, du jeu particulier des acteurs non-européens, de l’aversion de Brook pour tout ce qui est figé, du rapport entre le public et l’oeuvre, une expérience qui devrait être ascendante selon Brook, et de la représentation du désespoir. En terminant, l’homme a cette formule qui pourrait faire office de credo: "Il y aura toujours un théâtre médiocre, qui aura de plus en plus de difficultés, puis qui fera subitement un succès inimaginable avec une bêtise sans nom. C’est une chose courante. Et à côté de ça, il y a ceux qui cherchent quelque chose. Alors, peu importe pour ceux qui cherchent si l’avenir est avec ou contre eux, il faut continuer à chercher."

Conversations avec Peter Brook
de Margaret Croyden
Traduit par Véronique Gourdon
Éd. Seuil, 2007, 309 p.

Climat de confiance
de Peter Brook
Entretiens menés par Pierre MacDuff
Éd. L’instant même, 2007, 90 p.

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PETER BROOK

Né à Londres en 1925, Peter Brook a fait sa marque au théâtre, mais aussi au cinéma et à l’opéra. Metteur en scène depuis l’âge de 17 ans, il écrit en 1968, après avoir monté Sartre, Miller, Durrenmatt, Dostoïevski, Genet, Weiss et, à plusieurs reprises, Shakespeare, un ouvrage fondamental: L’espace vide. En 1970, il s’installe à Paris pour fonder avec Micheline Rozan le Centre international de recherche théâtrale, qui deviendra en 1974, lors de son installation au Théâtre des Bouffes du Nord, le Centre international de création théâtrale. Depuis, Brook favorise les relations interculturelles et puise aux traditions musicales et théâtrales extra-européennes, notamment africaine, balinaise et japonaise. Aux Bouffes du Nord, l’homme a monté Shakespeare, encore, mais aussi Tchekhov (inoubliable Cerisaie) et le fameux Mahabharata, un poème épique indien brillamment transposé à la scène. Avec ses quelque 85 productions à ce jour, Peter Brook, toujours actif (on a pu voir Sizwe Banzi est mort, à l’Usine C, en avril 2007), est considéré comme le plus important metteur en scène de théâtre contemporain en Occident.

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