Alexandre Jardin : Le mentir-vrai
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Alexandre Jardin : Le mentir-vrai

Le dernier Alexandre Jardin parle évidemment d’amour, de femmes et d’excentricité. Mais il parle aussi d’éditeurs, d’écriture, de doutes.

"On ne fait entrer la vérité dans un roman que par les jeux de l’illusion. Pas en cherchant à s’en délivrer!" Cette phrase, tirée de Chaque femme est un roman, dernier opus d’Alexandre Jardin qui complète le cycle entamé avec Le Zubial et suivi du Roman des Jardin, pourrait à elle seule résumer le titre qui clôt cette trilogie autobiographique, laquelle s’inscrit nettement en rupture avec les huit autres romans publiés antérieurement.

Nul besoin d’avoir lu ses précédents livres pour suivre celui-ci – l’auteur, d’ailleurs, nous le déconseillerait probablement tant il critique son style d’alors -, il faut plutôt accepter la proposition qui est de lire un écrivain dans un moment charnière de son parcours et sa carrière. Carrière qui est au coeur même du roman, tant au niveau de l’anecdote que des motivations profondes du virage formel que tente de prendre le romancier à succès. Ouvrons cette parenthèse: Jardin a publié, dès la jeune vingtaine, chez des éditeurs prestigieux (Flammarion, Gallimard et, plus tard, Grasset), a raflé quelques prix importants (prix du Premier Roman 1986 et prix Femina 1988) et réalisé des films à succès. En clair, en plus des prix canoniques et d’un rayonnement exceptionnel auprès du grand public, il a gagné la jalousie et les sarcasmes des bien-pensants qui n’ont trouvé dans ses publications que mièvrerie et agilité langagière de surface. Honnête ou non, la position de Jardin en est maintenant une de dévoilement et de recherche d’un style qui tangue entre l’étalement impudique de vérités et la quasi-retenue d’un foisonnement de l’imagination qui en découle.

Loin d’aller aussi loin dans la réflexion qu’un René Girard, par exemple, Alexandre Jardin analyse assez bien son parcours et sait mettre en pratique le mentir-vrai (pour reprendre une formule d’Aragon), et surtout, donner corps à la vérité romanesque. Il sombre parfois dans une sorte de désir mimétique qui frôle la pathologie si ce n’est qu’il semble fort conscient de vouloir rendre justice à l’excentricité de son père, Pascal (écrivain décédé lorsqu’Alexandre n’avait que 15 ans), et répondre positivement aux étranges et audacieuses balises de la liberté autoritaire de sa mère. L’accumulation de faits et de personnages bizarres annule en quelque sorte l’effet d’exagération, et le roman arrive à nous divertir malgré les formules prévisibles (dans toutes les scènes, par exemple, on combat le feu par le feu).

Chaque femme est un roman
d’Alexandre Jardin
Éd. Grasset, 2008, 298 p.

À lire si vous aimez /
Le Zubial du même auteur, Gomme de xanthane de Bertrand Laverdure

Chaque femme est un roman
Chaque femme est un roman
Alexandre Jardin
Grasset