Chrystine Brouillet : Silence, on tue!
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Chrystine Brouillet : Silence, on tue!

Chrystine Brouillet l’affirme: la huitième enquête de Maud Graham est son polar le plus autobiographique. À quelques détails près, tout de même.

Évidemment, contrairement à Vivien Joly, un sympathique retraité qui commet l’irréparable dans un moment de folie, l’écrivaine n’a jamais tué personne! "Quand je dis que c’est le roman le plus autobiographique que j’aie écrit, nuance Chrystine Brouillet, c’est dans la compréhension de la pulsion meurtrière. Je ne suis pas passée à l’acte, quand même, parce qu’on l’aurait su, mais ça fait des années que je veux écrire au sujet du bruit. Quand j’ai vécu à Paris, j’avais des voisins extrêmement bruyants qui faisaient un party tous les trois jours; j’ai également eu des voisins qui faisaient du karaoké de 10 h à 15 h, et leur chanson préférée, c’était Amène-nous à La Ronde. Est-on obligé de faire subir à tout le monde la musique qu’on aime? Je ne critique pas les goûts musicaux des gens, mais ne pourraient-ils pas mettre des écouteurs?" Que penseront ses anciens voisins s’ils lisent Silence de mort? "Ça m’étonnerait beaucoup qu’ils le fassent", assure Chrystine.

La romancière déplore qu’on soit devenu une société qui ne supporte plus le silence. "Les gens en ont peur. Il y a de la musique dans l’ascenseur, au supermarché, au centre commercial, au restaurant, comme si on ne pouvait plus vivre deux minutes sans fond sonore. Il y a une journée sans voitures; moi j’aimerais ça, une journée sans bruit", soupire Chrystine en précisant qu’elle n’a rien contre les bruits normaux du quotidien: "J’habite à côté d’une garderie et j’adore entendre les enfants. C’est ce que j’appelle les bruits de la vie", souligne-t-elle en souriant de sa propre passion à parler du manque de respect qu’elle associe aux bruits excessifs. "En racontant le sujet de mon roman, j’ai constaté que tout le monde avait une histoire de bruit à raconter."

DU BRUIT AU SILENCE

Silence de mort n’est cependant pas qu’un roman comportant une réflexion sous-jacente sur le bruit. Comme dans tout bon roman de la série des Maud Graham, l’attachante et humaine inspectrice doit résoudre plusieurs crimes qui la répugnent au plus haut point, à commencer par le passage à tabac de Fabien Marchand, première véritable victime du roman. L’adolescent retrouvé à moitié mort sur les berges de la rivière Saint-Charles refuse de révéler à Maud ce qui s’est réellement passé, mais elle soupçonne qu’une histoire de drogue est à la source du drame. Or, c’est par l’entremise du trafic de drogue de Vic Duchesne, et par conséquent celui de son père Louis Fournier, que plusieurs morts surviennent dans Silence de mort. Sauf qu’au lieu d’offrir une intrigue entièrement consacrée à la résolution des meurtres d’Anthony Nantel et de sa copine Jessie, Chrystine Brouillet s’intéresse aussi aux rapports qui existent entre voisins.

D’où la présence de Vivien Joly, prof d’histoire à la retraite venu s’installer dans la rue des Parulines pour se remettre de la mort de son conjoint dans le silence rassurant de son jardin luxuriant. Dès son emménagement, il se retrouve par contre confronté à une réalité qu’il n’avait pas prévue: sa voisine Jessie adore le rap, surtout quand le volume est au maximum. Il doit aussi composer avec une autre voisine, Nicole, qui a jeté son dévolu sur lui. Les manigances de la commère servent en quelque sorte de soupapes humoristiques à la détresse de Vivien et à celle de Maud, qui se pose mille questions sur ses relations avec Maxime et Alain.

"Je ne sais pas si les relations entre les parents et les adolescents sont plus difficiles aujourd’hui. Quand t’es jeune, tu penses uniquement à ici, maintenant, toi. C’est pour ça que comme moteur, les adolescents, c’est formidable. Parce qu’on sait qu’ils sont en péril. J’en ai souvent dans mes romans et il y en a aussi dans le prochain Maud Graham, que je rédige en ce moment. J’aime observer les adolescents car avec eux, tout est possible", affirme l’auteure.

Elle rappelle aussi qu’en inventant la détective au nom de biscuit, elle voulait créer un personnage de femme ordinaire: "Ça fait partie de la vie, et c’est en partie ce qui explique le succès de Maud auprès des lecteurs. Elle mène ses enquêtes avec rigueur, mais elle est aussi happée au quotidien par toutes sortes de choses, comme sa peur de vieillir parce que son amoureux est plus jeune, son envie de recommencer à fumer et sa gourmandise", énumère l’écrivaine qui, tout au long de Silence de mort, nous titille les papilles avec les merveilleux desserts concoctés par Nicole pour charmer Vivien. Voilà une façon particulièrement agréable de maintenir le suspense tout au long de l’intrigue touffue, mais pertinente.

Silence de mort
de Chrystine Brouillet
Éd. La courte échelle, 2008, 376 p.

Silence de mort
Silence de mort
Chrystine Brouillet
La courte échelle