Pieter Aspe : La misère des riches
Pieter Aspe, nouvelle star du polar flamand, courtise pour la première fois le lectorat francophone. Écho d’un phénomène de l’édition.
Tout premier titre d’une série qui en compte maintenant 22, Le Carré de la vengeance paraît cet été en version française, 13 ans après sa publication initiale en néerlandais. Coup d’envoi de Pieter Aspe, un homme aux mille métiers converti à l’écriture au tournant de la quarantaine, ce polar bien mené brise la glace dans le bon sens.
Bienvenue dans le monde un peu brouillon du commissaire Pieter Van In, au service de la police de Bruges depuis une vingtaine d’années, chargé d’une enquête en apparence banale mais qui se révélera fort corsée, comme en témoignent les nombreux "Benson im Himmel", expression accompagnant ses coups de sang, qui vont fréquemment ponctuer son travail. Dès le départ, le vol de la bijouterie Degroof a ceci de particulier que ses auteurs n’ont rien emporté: ils ont plutôt dissous les ors dans une préparation d’eau régale. Vandalisme raffiné, qui a toutes les apparences de la vengeance, une vengeance dont l’ampleur n’a pas fini d’étonner notre protagoniste.
Bon, les ingrédients n’ont rien de très novateur: un flic un peu bourru, au mitan de sa carrière, qui rince les déceptions de sa vie professionnelle comme personnelle à grandes gorgées de Duvel, fameuse bière blonde brassée en Belgique; son ami Versavel, un brigadier rusé qui sait remonter le très changeant moral du premier; et la belle Hannelore Martens, substitut du procureur qui va former avec Van In un tandem plus ou moins réglementaire mais hautement efficace. Tous trois tenteront de percer à jour un complot dirigé contre l’une des plus puissantes familles de la ville, pourrie par l’argent et les rêves de pouvoir.
Si la sauce prend aussi bien, c’est d’abord grâce au ton de Pieter Aspe, à son art du dialogue et à l’humour qu’il met dans sa description des rouages administratifs de la police belge. C’est aussi dans la graduelle complexification de l’intrigue, qui va mettre en cause plusieurs politiciens et leurs méthodes, de même que l’ordre des Templiers – eh oui, les voilà encore ceux-là, mais rappelons que le livre est paru bien avant la déferlante des thrillers mystico-religieux de Dan Brown et compagnie.
Un million et demi d’exemplaires des enquêtes du commissaire Van In auraient déjà été écoulés en Flandres, sans compter quelques adaptations pour la télévision. Nul doute que la carrière francophone du bouillant enquêteur n’en est qu’à ses débuts…
Le Carré de la vengeance
de Pieter Aspe
Traduit du néerlandais (Belgique) par Emmanuèle Sandron
Éd. Albin Michel, 2008, 336 p.
À lire si vous aimez /
Les Enquêtes de l’inspecteur Rebus, d’Ian Rankin