Les Correspondances d'Eastman : Voyages littéraires
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Les Correspondances d’Eastman : Voyages littéraires

La 6e édition des Correspondances d’Eastman, le "plus silencieux des festivals", selon la formule de Jean Fugère, s’ouvre sur un thème vieux comme la première carte postale: le voyage. Un point de départ tout trouvé pour un événement littéraire axé sur la correspondance.

"La littérature, c’est la plus grande porte sur le voyage qui puisse exister", déclare Danièle Bombardier, porte-parole des Correspondances d’Eastman. C’est la première année que la journaliste et animatrice assume ce rôle, mais elle était déjà une fidèle de ce petit festival littéraire né d’une initiative de Louise Portal et de Jacques Allard. "Dans les médias, la littérature n’a plus de place, affirme celle qui a longtemps animé l’émission Plaisir de lire à Télé-Québec. On ne parle que d’écrivains très médiatisés ou alors on consacre un tout petit segment à la littérature dans une émission. Alors nous, on prend le relais dans un cadre absolument fabuleux." C’est vrai. Dans le village d’Eastman, tout près du mont Orford, les festivaliers sont invités à écrire une lettre dans un jardin (une "chambre d’écriture", disent-ils joliment), assister à un spectacle littéraire ou rencontrer un écrivain. De ceux-là, il y aura foule. Chaque année, la crème de la crème des écrivains québécois qui ne sont pas en vacances se donne rendez-vous là. Il y aura Neil Bissoondath, Naïm Kattan et Dany Laferrière, réunis autour d’un café littéraire animé par Danièle Bombardier elle-même. Le thème de cette discussion: le voyage de force. "Ce n’est pas vraiment un thème politisé, explique-t-elle. Dany, son départ a une raison politique, il est parti parce qu’il n’avait pas le choix. Mais ensuite, il y a tout ce qu’on fait de cet exil dans son écriture. L’exil, c’est une transformation de l’être humain."

SPECTACLES QUI DEPAYSENT

On poursuit le voyage avec un spectacle de "notre" Tristan Malavoy, Quai no 5: un voyage musical et littéraire en compagnie de Mara Tremblay, Ivy et du musicien Alexis Martin. Monique Mercure et Brigitte Poupart viendront incarner quelques extraits de lettres que Simone de Beauvoir a écrites à son amant américain, Nelson Algren. "Tout le côté intellectuel de Simone de Beauvoir nous a conduits à oublier que c’était aussi une femme désirante et passionnée, dit Danièle Bombardier. Ses lettres sont une très belle découverte parce que, évidemment, elle a la plume. Et ça n’a pas le côté racoleur de la couverture du Nouvel Obs!" Le spectacle Écrire le fleuve, mis en scène par Normand Chouinard et interprété par Michel Garneau et Evelyne de la Chenelière, sera consacré à Pierre Perrault, le cinéaste-poète qui était amoureux du fleuve Saint-Laurent. Quand on sait que l’écrivain et poète Michel Garneau était un grand ami de Perrault, avec qui il a voyagé, on est convaincu que ce périple est à ne pas manquer. Le slameur Ivy viendra aussi faire vibrer la lettre écrite avec son Cabaret Slam Poésie. "Le slam est une célébration de la parole, une renaissance de la poésie, croit Mme Bombardier. C’est très beau, ça me fait penser à du Rimbaud."

LETTRES A L’ANCIENNE

Mais ce qui fait la réputation des Correspondances d’Eastman, ce sont justement ses correspondances. Cette année encore, le public est invité à déambuler au fil du Circuit des lettres, une suite de jardins où on s’installe pour écrire lentement une lettre à la main. Un procédé qui nous ramène au temps d’avant les courriels, le BlackBerry et l’iPhone. "Il y a quelque chose de physique entre la main, la plume et le papier qu’on n’a pas en se promenant très rapidement sur le clavier, croit Danièle Bombardier, qui écrit tous ses projets d’écriture personnels à la main. Le clavier appelle à la rapidité, mais la lettre nous incite à une pause." L’année dernière, 2000 lettres ont été envoyées vers 33 pays différents à partir du bureau de poste d’Eastman. Une jolie manière d’amener les gens à lire et à écrire, le but premier de ce festival créé pour donner un espace aux lettres en région. Deux ateliers d’écriture, animés par Myriam Beaudoin (auteure d’Hadassa) et Francine Ruel, permettront aussi aux épistoliers de passage d’aiguiser leur plume. "C’est le plus bel événement littéraire au Québec, parce qu’il réunit tout ce qui nous touche: la nature, des spectacles formidables et des rencontres avec des écrivains", dit Danièle Bombardier. Bon voyage.

Du 7 au 10 août
Info: www.lescorrespondances.ca