Louise Bouchard : Le poème et rien d’autre
Une oeuvre, une voix, un monde, mais surtout, la beauté d’Entre les mondes; le toujours nécessaire travail du poète.
"Tu ne cries pas/Tu ne jures pas/C’est bien toi/Ce jour clair un dimanche une grâce on dirait/Lumière/Silence/Est-ce donc toi qui m’enveloppe." C’est avec une économie de mots à peine croyable – tant la matière littéraire est ici travaillée jusqu’au nerf – que l’auteure de Des voix la même et L’inséparable surprend et brille encore, appelant le texte à réveiller les souvenirs des vivants et des morts, leurs folles mythologies; et amenant, d’étonnement en étonnement, le poème à se laisser porter par la force du langage qui, ici, le tient magnifiquement: ses raccourcis, ses échappatoires, sa syntaxe éprouvée, sa musique intemporelle, son jeu essentiel.
Louise Bouchard s’est vu décerner le prix Terrasses Saint-Sulpice pour son cinquième ouvrage, ce livre d’une beauté rare posé Entre les mondes: un pilier, vraiment; une oeuvre forte, fracassante, et offerte à qui veut la prendre tant la beauté profonde et le souffle abyssal y sont indéniables. À la recherche des mythes fondateurs de la vie et de l’écriture, Bouchard nous sert une puissante leçon de poésie à même les limites (infinies) d’une oeuvre foisonnante, plurielle.
Entre les mondes est une greffe, un membre, une partie ajoutée à un parcours littéraire d’une intelligence et d’une cohérence sans pareilles; et si les anthologies la boudent encore, cette oeuvre, espérons que la mémoire, si elle existe encore, ici, saura lui donner la place qui lui revient, un jour, au sommet de cet art nécessaire qu’est la poésie, anthologie ou pas, critique ou pas, journaux ou pas; car la poésie respire ailleurs, toujours, pleinement: "Autour de moi les mots les phrases/Formaient un cercle/Jadis/De vivants nés pour m’entourer". Le poème, et rien d’autre.
Entre les mondes
de Louise Bouchard
Éd. Les Herbes rouges, 2007, 108 p.