Roger Des Roches : Soleil noir
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Roger Des Roches : Soleil noir

Roger Des Roches nous propose, avec dixhuitjuilletdeuxmillequatre, une oeuvre poétique de haute exigence explorant le vertige austère de la perte.

À l’instar d’oeuvres comme Pour un tombeau d’Anatole de Mallarmé et Les Heures de Fernand Ouellette, dixhuitjuilletdeuxmillequatre se présente à la fois comme un intime chant funèbre et un troublant dialogue avec l’innommable. Dix-huit juillet deux mille quatre: la mère disparaît, "Maman-la-douleur" laissant ainsi le fils et poète dans le vide, seule vigie d’une agonie et d’une mémoire à faire sienne.

Un ouvrage bref, serré: 24 textes. Plusieurs courts poèmes et quelques autres plus longs, semblables à des fugues musicales, usant de la répétition avec mesure et se déployant, rigoureusement libres, comme des rhizomes. Aucune trace de misérabilisme, d’apitoiement, de lyrisme larmoyant: nous sommes pris dans les rapides et le "souffle soufflé" d’une écriture grave de haute teneur. L’épreuve intérieure, la misère physique, le rapport à "Dieu qui gratte et Dieu qui tire et Dieu qui mord", la détresse et l’abandon face à la mort – la vérité frontale de ces expériences est là, non pas dite mais écrite, c’est-à-dire ensauvagée, transfigurée par un travail poétique admirable, fait d’urgence et de minutie: "Elle a dit: / "Je suis seule" / Lèvres de thé. / Elle avait des lèvres de fuite vers le règne animal. / Lèvres de bruit de fétiche qui sera mien toujours. / Elle a murmuré: / "Ne regarde pas dans mes yeux"".

On circule ainsi de page en page, porté par une "langue mystère", vorace, bousculante et calibrée, comme à travers les soupiraux d’une conscience à vif où surgissent les figures de cette femme envolée "des mères plein les yeux", aux "seins chaussés d’enfants", celle de "Papapère l’ombre farouche" et de ce fils et orphelin à venir, "seul fabricant / du feu du fer des orages de la mémoire", "qui a le ventre gonflé froid / par la fin du monde".

Romancier, auteur jeunesse et poète avant tout, Roger Des Roches travaille depuis 1969 à une oeuvre dont la force n’a d’égale que sa singularité. Après le magnifique Nuit, penser (2001, prix du Festival International de la Poésie de Trois-Rivières), une des oeuvres les plus dépouillées de l’auteur, celui-ci nous offre ici un titre qui s’inscrit d’emblée parmi les ouvrages phares de l’année, voire de la décennie. Rien de moins. Une somme d’une autorité naturelle.

dixhuitjuilletdeuxmillequatre
de Roger Des Roches
Éd. Les Herbes rouges, 2008, 55 p.