Hugues Corriveau : Tous ses chemins mènent à Rome
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Hugues Corriveau : Tous ses chemins mènent à Rome

Hugues Corriveau peint un saisissant petit tableau aux couleurs du désir, de l’art catharsis et des violences souterraines du coeur.

Hugues Corriveau, auteur de plusieurs fictions mais d’abord poète prolifique – il a publié une dizaine de recueils -, est poète en tout, jusque dans les eaux du romanesque. La Gardienne des tableaux, sa cinquième contribution au genre, en témoigne: c’est en effet dans une langue imagée, celle d’un artisan habitué de travailler au plus près des mots, que nous est racontée cette histoire de perte et de résurrection.

Marc Rialto, artiste un peu en panne, aime les femmes avec la même ardeur que les tableaux. Ses pulsions créatrices paraissent d’ailleurs intimement liées aux élans de son désir. Aussi quelque chose de fort va-t-il se mettre en marche, dans son corps comme dans son imaginaire, quand il rencontre Constance, surveillante dans une galerie montréalaise qui présente des oeuvres de Louis-Pierre Bougie. Effacée, grise et résignée, cette dernière accomplit sa modeste tâche sans attendre grand-chose de ses journées. Pourtant, dans une soudaine accélération des bruits et des regards – tout le roman va fonctionner ainsi, par spasmes -, la visite de Marc, alors client inconnu, va se solder par un corps-à-corps aussi incendiaire qu’imprévisible.

Après l’électrochoc, elle revit peu à peu, lui semble touché par quelque chose de grand. Or, par une sorte de réflexe profond, il n’en fait pas moins le projet d’un séjour à Rome, seul, "pour ne pas demeurer prisonnier d’une illusion de plus".

Là-bas, son regard sera bientôt emporté par une autre, aperçue un matin dans un tram. "Il la croira méditerranéenne, romaine, femme de cette ville construite exclusivement pour en incarner l’écrin." Voilà Marc habité par deux femmes. Constance et Lillian, dont il saura plus tard qu’elle est elle aussi liée au domaine: elle achète des oeuvres d’art destinées à la décoration de bureaux de prestige. D’un bout à l’autre du livre, d’ailleurs, la passion demeure enlacée à l’art, aux "grands morts longs" des tableaux de Betty Goodwin, aux rythmes du compositeur italien Luigi Nono… Et puis il y a, tout autour et intensément présentes, les innombrables places de la Ville éternelle, les cloches de ses églises, qui contribuent à entremêler encore davantage quête amoureuse, esthétique et sacrée.

Où va mener ce début de triangle amoureux? La visite-surprise de Constance à Rome va-t-elle avoir pour effet de canaliser les soifs de Marc? "On ne va pas loin, saisis par la bêtise des heures amoureuses", pensera-t-il pourtant. Bref, ne vendons pas la mèche, mais disons que le segment final ne manque pas de tonus.

La Gardienne des tableaux est rempli de ces phrases que l’on relit deux fois, moins en raison de leur complexité que de leur charge, leur mission de dire une chose en même temps qu’une autre. Le roman est beau, accompli, même si l’on y sent un peu trop, parfois, l’auteur qui agite ses huiles et ses fusains, comme un peintre enthousiaste qui pécherait par excès de couleurs…

La Gardienne des tableaux
d’Hugues Corriveau
XYZ éditeur, 2008, 112 p.

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La Gardienne des tableaux
La Gardienne des tableaux
Hugues Corriveau
XYZ