Stéphane Despatie : Le passage de la flamme poétique
Notre ami et collègue Stéphane Despatie prend cet automne la direction des Écrits des Forges, enseigne quasi mythique de la poésie québécoise. Cette fois, c’est lui qui répond à nos questions…
Voir: Prendre le relais de Gaston Bellemare, à la barre des Écrits des Forges depuis 37 ans et figure presque patriarcale de la poésie au Québec, voilà qui n’est pas une mince affaire. Comment se prépare-t-on à un tel défi?
Stéphane Despatie: "D’abord en pensant aux gens avec qui Gaston a collaboré et aux matériaux avec lesquels il a composé. Je pense à l’équipe des Forges évidemment, qui d’ailleurs ne changera pas, mais aussi aux oeuvres publiées. Pour aller de l’avant, il faut connaître les auteurs et leur travail avant tout. Prendre ce poste, c’est aussi respecter une direction et un historique."
Cela surprendra peut-être certains lecteurs, mais les Écrits des Forges, voués exclusivement à la poésie et à sa diffusion, c’est aussi une histoire de succès commercial et d’exportation. En quelques mots, quelle position la maison occupe-t-elle dans le secteur de l’édition, et quelles sont, selon toi, les raisons de son succès?
"Toutes proportions gardées, le secteur du livre se défend bien avec les outils qu’il a sur la scène culturelle, et on peut dire la même chose pour la poésie par rapport aux autres genres littéraires. Quand on regarde l’évolution, la place sur la scène internationale de la poésie québécoise, on peut dire qu’elle est en santé. Il faut ensuite la mettre de l’avant et la présenter à ceux qui peuvent s’y intéresser: là est intervenue une partie importante du travail des Écrits des Forges depuis de nombreuses années car ils ont été présents à plusieurs manifestations à l’étranger. Les lecteurs de poésie savent maintenant que le Québec produit de bons livres."
Comment envisages-tu les prochaines années? As-tu déjà une idée de l’empreinte que tu souhaites laisser à la maison?
"Pour l’instant, je ne parle pas d’empreinte personnelle mais bien de ce qu’on appelle en course à pied un "bloc de départ"! Je démarre avec un catalogue qui contient des perles que je dois mettre en valeur, c’est ce qui me sert d’abord de prise. Ensuite, les Écrits des Forges sont une affaire d’équipe et nous devons travailler ensemble avec une vision qui, à la fois, propose une direction rafraîchissante et s’inscrit dans la continuité (la maison a 37 ans et j’en aurai 40 bientôt!). Tout doit partir de la poésie. C’est avec cette matière première qu’on peut laisser une trace importante comme maison d’édition."
Comment définirais-tu l’apport de Gaston Bellemare à la vie littéraire québécoise, à travers les Forges mais aussi par le Festival International de la Poésie?
"Tu mentionnes le mot "international" dans la question et c’est à mon avis là que se situe le plus grand apport de Gaston. Ses activités ont réussi à aider les poètes québécois à mieux connaître ce qui se fait ailleurs autant qu’à nous aider à mieux nous illustrer à notre tour à l’étranger. C’est maintenant plus simple d’avoir une bonne idée de l’endroit où se situe la poésie québécoise sur l’échiquier mondial. Non seulement on se sent moins seul, mais on peut partir de cette mesure pour avancer et mettre les choses en perspective. Pour la modernité du genre, c’est essentiel. Et finalement, grâce à tous les projets de Gaston, la poésie québécoise cogne à la porte d’un plus vaste public, ici comme ailleurs."