Howard McCord : L’homme qui marchait sur la Lune
Précision initiale: ce livre a bien peu à voir avec Neil Armstrong et autres aventuriers des cirques lunaires. La «lune» qu’arpente le très énigmatique William Gasper, c’est une montagne du Nevada, caillouteuse, escarpée, sorte de refuge, depuis maintenant cinq ans, pour un homme qui préfère de loin la solitude à la compagnie de ses semblables. Un peu comme sait le faire son compatriote Cormac McCarthy, l’États-Unien Howard McCord entretient savamment le mystère, laissant filtrer le côté sombre de son protagoniste mais, ce qui est bien plus inquiétant que l’horreur vue de face, nous laisse longtemps imaginer l’essentiel, donc le pire. L’homme qui marchait sur la Lune obéit à une petite mécanique noire, dont la singularité n’a d’égale que l’efficacité, et dont la langue, d’une aridité émouvante, épouse et les reliefs de la Lune et l’esprit de ce Gasper, sec et porteur de tout ce que la quête de pureté peut avoir d’effroyable. On comprend peu à peu ce dernier, au fil de phrases telles que: «Des Comanches scalpèrent mon arrière-arrière-grand-mère et sa fille le 5 décembre 1864, ce qui rendit son mari fou. Je suis son fils à un certain degré et je partage sa folie. J’aime tuer les coupables et c’est une chose en laquelle j’excelle.» Ou encore: «Un pistolet est comme le chapelet à prières des Turcs, mais permet d’atteindre le paradis avec une plus grande précision.» Un texte en forme de .22 long rifle, dont les détonations pétrifient à tous les coups, et dont la version française conserve, grâce au brillant travail du traducteur Jacques Mailhos, toute la terrible verve. Éd. Alto, 2008, 148 p.