Ivy : Ivy mental
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Ivy : Ivy mental

L’explosion du phénomène des slams de poésie a permis à Ivy de renaître tel un phénix. Entretien avec l’auteur de Slamérica.

Bien avant Internet et la "crise du piratage", ses premiers textes furent copiés sur des milliers de cassettes à travers le Québec alors qu’il s’adonnait à la chanson au sein du légendaire duo Ivy et Reggie. Les années passèrent et Ivy eut une révélation: "Quand j’ai vu que le slam, avec juste des paroles, ça pouvait faire triper autant de monde que ça, et qu’il pouvait se ramasser 500 personnes dans un amphithéâtre dans une ambiance de show rock pour des poèmes, je n’avais jamais vu ça. Le slam, c’est tout le monde qui peut en faire. Dans le fond, un slameur, c’est un poète qui tient compte du micro, de la scène et de la foule."

Depuis ce temps, son obsession pour l’écriture a pris tout son sens et l’a amené dans une orientation jusque-là imprévue: "Au moment où je suis tombé dans le slam, professionnellement, il n’y avait plus grand-chose qui se passait. […] Je me suis mis à faire des textes de création parlés à CISM et à Radio-Canada, j’ai essayé d’intéresser le monde au slam. De fil en aiguille, on m’a invité à animer dans un bar, on a fait des bancs d’essai de slam et c’est là que j’ai décidé de fonder la ligue de slam."

En plus d’avoir permis à Ivy un certain épanouissement, sa conversion au slam a eu un autre aspect positif plutôt ironique: "En fait, c’est comme si tous les défauts que j’avais depuis 10 ans étaient devenus mes qualités." Toutefois, le poète ne cache pas que le slam est une continuité de ce qu’il avait entrepris au sein d’Ivy et Reggie. Ici, ce qui constitue le changement est davantage une question de livraison: "Slamérica est un show de slam, donc la relation avec le public est beaucoup plus intéressante que celle d’avant, où je jouais devant du monde qui se tirait en l’air! Mais c’est pareil dans le sens que c’est un travail avec les mots. Avant, j’offrais au monde ma création, mais maintenant, c’est un échange."

Après toutes ces années à avoir foulé les scènes du Québec par l’intermédiaire de la chanson, arrive-t-il à son vieux comparse Reggie d’éprouver une profonde nostalgie quant à cet univers souvent incompréhensible qu’est l’industrie du disque? La réponse d’Ivy est on ne peut plus éloquente: "Je rencontre plein de mes chums qui se disent déçus de ne pas avoir été nominés à l’ADISQ. Et moi, je leur réponds qu’il n’y a même pas de catégorie pour ce que je fais. En France, ils ont créé une catégorie pour le slam quand est arrivé Grand Corps Malade, mais nous autres ben… C’est là qu’on voit la différence entre un petit peuple et un grand peuple."