Régis de Sá Moreira : Mari est femme
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Régis de Sá Moreira : Mari est femme

Dans Mari et Femme, Régis de Sá Moreira nous raconte ce qui se passe lorsqu’un homme devient sa femme et sa femme, son mari.

Un couple au bord du divorce se réveille un beau jour sens dessus dessous. L’homme a perdu sa barbe. La femme, ses longs cheveux. Par une étrange transmutation des consciences, un caprice inattendu du destin, mari et femme ont échangé leurs peaux. Il est elle et elle est lui. Chacun a beau être dans le corps de l’autre, l’homme demeure, dans sa tête, l’homme et la femme, la femme. Les âmes restent intactes, ce ne sont que leurs véhicules qui ont changé. "Pour une séparation, c’est raté", résume l’auteur qui profite de la situation pour nous régaler de quelques formules inventives. "Ta femme jette un de tes yeux à l’horloge de la cuisine", elle "se retourne, la cafetière à ta main".

Suit alors l’apprentissage éminemment divertissant pour le lecteur, mais difficile pour ce couple remix, d’une nouvelle façon d’être, de bouger, d’interagir avec les gens et les choses. Déchirés entre la volonté de ne pas se perdre dans leurs nouveaux corps et le fol espoir de sauver les apparences, ils tenteront de faire perdurer leur quotidien, de jouer le jeu un minimum. Inversion des regards, l’un présentera à l’autre ce qu’il ou elle aurait aimé voir chez son conjoint. Ils s’interpréteront selon leurs propres fantasmes. Mais inévitablement, les esprits aussi seront affectés. Un corps, ça ancre. C’est lourd. Ça tache l’âme.

Les corps, par leurs mécaniques propres, imposeront donc leur loi à ceux qui les habitent. Nouvelles lois, mais aussi nouveaux plaisirs: l’homme, dans son corps de femme, ne résistera pas à la tentation de jouer les allumeuses dans le métro, la femme, de se mettre au karaté et de tester la puissance du corps de son mari. Et puis les premières tentations adolescentes feront place aux vraies questions, aux vraies angoisses. C’est le moment où l’on ne joue plus de son enveloppe, c’est le moment où le contenant définit le contenu. Car on n’échappe pas à la chimie des corps.

Pour marquer le point, l’auteur nous livre une scène d’amour particulièrement troublante, qui bascule du fantasme à l’auto-érotisme, du voyeurisme à la passion incarnée. Quelle morale devrions-nous tirer de ce conte? Qu’en amour on cherche tous une part de soi-même dans l’autre? Que l’esprit ne jouit que d’une liberté conditionnelle face au corps? Que dans un mariage, chaque corps a plus d’un propriétaire? Ce que vous en tirerez déprendra de qui vous êtes (pour l’instant!).

Mari et Femme
de Régis de Sá Moreira
Éd. Au diable vauvert, 2008, 182 p.

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Mari et Femme
Mari et Femme
Régis de Sá Moreira
Au diable vauvert