Hugues Corriveau – Salon du livre : Dévorante contemporanéité
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Hugues Corriveau – Salon du livre : Dévorante contemporanéité

Une litho de Louis-Pierre Bougie au mur. Du Steve Reich dans les haut-parleurs. Un livre d’Hugues Corriveau à la main. Que le Salon du livre de l’Estrie commence.

"Ce roman qui a l’air d’un roman poétique et désincarné, à la limite, est un roman totalement incarné à partir d’un tableau", nous dit Hugues Corriveau au bout du fil à propos de sa cinquième contribution au genre romanesque, La Gardienne des tableaux. "Mon but était de montrer comment l’imaginaire pouvait tuer", explique-t-il, une préoccupation qui, de Flaubert à Nick Hornby, ne cesse d’habiter la littérature.

Imaginé et construit autour d’un tableau du peintre José Jardiel, La Gardienne des tableaux décrit la panne d’inspiration d’un peintre, bientôt en proie à une passion dévorante qu’aura fait jaillir le tableau en question. L’art contemporain, ainsi que la musique contemporaine, sont donc au coeur de ce roman écrit, de l’aveu de Corriveau, avec un casque d’écoute sur les oreilles, au son de grands compositeurs de notre époque (Steve Reich, Luigi Nono). Une manière pour l’écrivain de rester en contact étroit avec son époque, celle dont il veut témoigner. "J’ai tellement animé d’ateliers littéraires auprès d’étudiants et chaque fois je leur disais: "Soyez de votre siècle." C’est toujours ça qui m’ennuie: on revient toujours aux grands. Bien oui Flaubert, bien oui Balzac, mais Flaubert, Balzac et les autres témoignaient de leur époque, avaient une écriture de leur époque. Ils avaient le temps d’écrire des phrases qui avaient 25 lignes. C’était normal, il n’y avait pas de télé, pas de radio. On arrive au 21e siècle, on vit dans un monde de clips. Il faut être de son temps, toujours. Ce n’est pas parce que j’ai 60 ans que je vais être plus ancien que mon époque. J’essaie toujours d’écrire des romans qui sont des objets d’écriture, en tenant compte de ce qui est autour de moi."

AU SALON ENCORE ET TOUJOURS

Prolifique (26 livres à son actif), Hugues Corriveau a évidemment été reçu par le Salon du livre de l’Estrie à plus d’une reprise. Une occasion de rencontrer ses lecteurs, mais également de fraterniser avec les gens du milieu. Parmi ses souvenirs, le parrain d’honneur de cette 30e édition se rappelle avec une émotion particulière le défunt professeur de littérature Joseph Bonenfant, son directeur de thèse: "La dernière fois que je l’ai vu vivant, cancéreux, plus de cheveux sur la tête, avec une canne – il avait l’air d’un bonze -, c’est devant le kiosque de l’Association des auteurs des Cantons de l’Est. Je lui remets un exemplaire de mon livre et je ne le reverrai plus vivant après."

Longtemps résident de la région, maintenant établi à Montréal, le récipiendaire du dernier Grand Prix du livre de la Ville de Sherbrooke n’adhère pas à l’idée d’une littérature régionale, lançant avec la truculence qu’on lui connaît: "Je ne crois pas que le livre soit un foie gras", avant d’ajouter plus sérieusement: "Est-ce que les livres de Patrick Nicol, qui est un immense auteur, sont des livres régionaux? Ce sont des livres dont les personnages principaux se trouvent à Sherbrooke, ce qui est infiniment différent. Giono campait ses personnages dans la Provence et c’était de la littérature immense. Je dis soyons immenses, ne soyons pas régionaux."

Elle se porte bien, donc, la littérature à Sherbrooke, M. Corriveau? "La littérature à Sherbrooke n’a pas à bien se porter. La littérature a à bien se porter."

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PASSEZ DONC AU SALON

De la programmation du 30e Salon du livre de l’Estrie, mentionnons d’abord le traditionnel lancement collectif de l’Association des auteurs des Cantons de l’Est, lors duquel seront remis les prix Alphonse-Desjardins et Alfred-Desrochers, vendredi 19h. Journée chargée que ce vendredi avec une soirée de lectures (à 18h) et une table ronde sous le thème "Y a-t-il un choc des générations en littérature?" (à 19h30), qui permettra à Pierre Samson (Prix littéraire des collégiens 2008) de répondre aux questions d’étudiants. Le samedi, on lance les nouveaux numéros des revues Chimères et Jet d’encre (17h) avant que le père supérieur du slam québécois, Ivy, ne vienne balancer ses mots à la face des salonards lors d’une soirée animée par le capitaine de la meilleure équipe de slam en province (celle du Tremplin), Frank Poule (19h30). Activité hors des murs d’Expo-Sherbrooke: les Suspects de service passent à l’ouest et reçoivent, entre autres, Yann Perreau (jeudi 21h, au Téléphone Rouge).