Marcello Fois : Coeur de loup
Marcello Fois, auteur sarde, nous raconte la terrible épopée du brigand le plus redouté de l’histoire de son île.
Fils de paysans, puis héros de guerre, et enfin meurtrier en série, Samuele Stochino a marqué pour toujours l’imaginaire collectif des Sardes. Le "Tigre de l’Ogliastra", le Jessie James de la Sardaigne, homme dur et rugueux comme son île, a mérité le triste honneur d’avoir sa tête mise à prix pour la somme jusqu’alors inégalée de 250 000 lires.
Dans ce beau roman de Marcello Fois, Samuele Stocchino hérite d’un c de plus à son nom mais aussi d’un coeur. Un coeur non pas en forme de tigre, mais en tête de loup, noir et anguleux. Ce coeur fauve, il n’en est plus le maître. Pas depuis cette nuit de pleine lune où, enfant, on lui refuse un verre d’eau alors qu’il erre avec son père au retour d’un baptême, à demi perdu entre les monts rocailleux de l’île. Déjà la maîtresse de ce coeur s’appelle vengeance. Ou orgueil blessé. Mais le coeur de Samuele n’est ni petit, ni mesquin. Il y a de la place pour sa pauvre mère, son frère un peu simplet, et pour la belle Mariangela. Femme, famille, orgueil, voilà le triptyque qui le poussera à commettre l’irréparable.
Mais on ne devient pas une légende du crime avant de faire l’apprentissage de la mort. Avant d’être un tueur, Samuele est un héros de guerre. À 16 ans, il part pour la Libye où il se découvre un talent pour le maniement de la baïonnette. Puis il part à la défense du "continent" lors de la Première Guerre mondiale. C’est en vainqueur, dans son uniforme d’officier, qu’il rentre au village de son enfance. Là où le destin et les hommes lui tendront le piège qui fera de lui un personnage de roman, d’histoire à faire peur aux enfants.
Les choses glisseront alors longuement et doucement, vers un dénouement tragique et inévitable. Plus qu’une épopée criminelle, qu’un geste historique, Mémoire du vide est un récit complexe et fin, écrit comme dans un chuchotement. Marcello Fois sait trouver les bons mots pour exprimer les silences, les bouleversements intérieurs, la topographie des coeurs, le hurlement d’un loup à la lune.
Mémoire du vide
de Marcello Fois, traduit de l’italien par Jean-Paul Manganaro
Éd. du Seuil, 2008, 272 p.