Nina Bouraoui : Coup de fougue
Nina Bouraoui signe un court roman qui est, en fait, un long poème à l’amour.
Tout commence par un hasard. La narratrice, auteure comme Nina, fait la connaissance, dans une librairie lausannoise, d’un jeune homme de 16 ans son cadet. Le garçon, qui a réalisé un film inspiré d’un des romans de l’écrivaine, lui remet une lettre, touchante, la remerciant de l’avoir aidé à surmonter un moment difficile. C’est le coup de foudre. Elle rentrera chez elle, vers le brouillard (parisien), il descendra vers son modem (c’est une romance d’aujourd’hui!).
S’ensuit alors le récit court et minutieux de la naissance du sentiment amoureux entre le jeune artiste et l’écrivaine, une relation épistolaire qui, hormis son mode numérique, a tout le charme d’un amour du 19e. L’auteure suit l’objet de son désir sur son blogue. Il n’y a plus de "loin des yeux, loin du coeur" depuis que l’on peut épier la vie de l’autre à partir d’un terminal. L’impossibilité de la rencontre immédiate, le côté désincarné de l’aventure ne font qu’exacerber les sens de la narratrice. Elle cherche la présence du jeune homme dans chaque coin de sa vie. Elle veut se connecter au monde.
"Je me sentais appartenir au monde, à son coeur, à ses pulsations. La vie me semblait liquide. Tout coulait autour de moi comme la sève des arbres, comme la salive ou la sueur, comme les pluies d’orage, comme tout ce que j’imaginais de lui, son odeur et son souffle, sa force et sa douceur."
Appelez-moi par mon prénom est fidèle au style Bouraoui. Les effusions de beaux sentiments ne manquent pas. Alors qu’elle nous avait habitués aux scènes torrides, elle s’intéresse ici à l’expectative et c’est tant mieux. Lorsque, enfin, les deux amoureux se retrouvent face à face, Bouraoui nous offre un moment de haute voltige romantique: "Il marchait lentement, comme un loup. Je glissais sur la rampe qui avait acheminé nos messages. J’avais l’idée d’avancer vers mon avenir. Je cherchais ses yeux comme il cherchait les miens, encore cachés." La suite est encore plus belle et constitue le parfait antidote à la morosité ambiante. Un livre beau, c’est rare.
Appelez-moi par mon prénom
de Nina Bouraoui
Éd. Stock, 2008, 111 p.
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