Danielle Trussart : Dernière escale
La récipiendaire du Robert-Cliche 2008, Danielle Trussart, nous entretient des bonheurs de la création et de la façon dont les mots font leur chemin en elle.
Pour Danielle Trussart, qui noircit le papier depuis l’adolescence et a toujours rêvé de voir ses écrits circuler, le 3 novembre n’était pas un jour comme les autres. L’auteure originaire de Montréal, aujourd’hui installée à Baie-Saint-Paul, recevait le prix Robert-Cliche du premier roman, une distinction qui a déjà souligné l’arrivée sur la scène littéraire des Gilles Jobidon, Madeleine Monette ou Robert Lalonde. "C’est tout un encouragement", nous disait-elle quelques minutes avant de recevoir sa récompense. "J’avais déjà publié quelques nouvelles, dont certaines avaient été primées, mais cette fois, ça confirme beaucoup de choses. Je vais continuer!"
Beau début de carrière, donc, pour Le Train pour Samarcande, ce roman intimiste qui s’articule autour de la figure de Blanche, une dame en fin de vie mais attentive comme jamais à tout ce qui l’entoure. Avant de monter dans le dernier train et d’aller rejoindre son Florent, mort déjà mais à qui elle parle à coeur de jour, elle ne renonce à aucune découverte, aucune rencontre. Cette nouvelle voisine, par exemple, qui passe des heures devant son chevalet et qu’elle observe longuement, ou encore Jeanne d’Arc, son amie de longue date, elle accueille chacun dans l’instant présent, sur un territoire où les vivants et les morts ont encore des choses à partager. "Si j’écrivais dix romans, avance Danielle Trussart, je pense que ça graviterait toujours autour de la frontière entre la vie et la mort. L’angle changerait, mais je ne pense pas savoir écrire sur autre chose. En fait, je ne pense pas que je prendrais le temps d’écrire sur autre chose", lance-t-elle, l’oeil vif, sur le ton de celle qui se laisse difficilement détourner de son propos. "Prendre la plume, poursuit-elle, ça veut dire s’arrêter un moment et prendre conscience du temps qui passe. Je ne cherche pas tant à expliquer le comment et le pourquoi des choses, mais bien à saisir les choses telles qu’elles sont, à aller au-delà de la première impression."
Aller au-delà de cette première impression, ça veut dire varier les angles de vue, s’offrir un regard oblique. À ce titre, la romancière établit des parallèles intéressants: "Selon moi, les vieux ont un point commun avec les écrivains: ils sont en marge. Et quiconque est dans la marge voit les choses un peu différemment. Je m’intéresse beaucoup aux marginaux, moi. Il y en a d’ailleurs plusieurs dans mon entourage, à Baie-Saint-Paul. Ils ont tous un point de vue particulier sur l’existence, et ça m’interpelle, moi qui aspire justement à développer, dans l’écriture, un point de vue singulier."
C’est peut-être un premier roman que vient de publier Danielle Trussart, mais ce n’est certes pas d’hier qu’elle réfléchit à l’écriture. Après avoir passé une petite demi-heure avec elle, l’impression est forte: nous prendrons bientôt d’autres trains en sa compagnie.
Le Train pour Samarcande
de Danielle Trussart
VLB éditeur, 2008, 240 p.