Stéfani Meunier : Un roman qui vous veut du bien
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Stéfani Meunier : Un roman qui vous veut du bien

À contre-courant des histoires entichées de trash, de sordide et de fin du monde, le dernier roman de Stéfani Meunier prend le parti de l’espoir. Compte rendu d’une feel-good story par une feel-good girl.

Adieu, veau, vache, cochon, couvée. Après son divorce, Dan achète un vieux motel décati et espère éviter de sombrer en s’accrochant à un marteau et à une volée de clous. Parmi les clients débarquent Sarah, une femme toujours sous la barre du .08, et son fils de 12 ans, Léo. Leur long séjour au motel deviendra l’occasion pour chacun des personnages de tisser de nouveaux liens, et même de réparer les anciens.

En empruntant trois voix différentes, celles de Léo, Dan et son ex-blonde, le récit aborde plusieurs grands thèmes chers à l’auteure. "Au début, c’était un recueil de nouvelles. Je voulais parler de la peur de l’engagement. Je suis partie du gars qui quitte tout: sa femme, son enfant, son travail. Le petit Léo est apparu par la suite. C’est devenu plus axé sur l’amitié et les problèmes de communication." En effet, les différents points de vue donnent l’impression que les personnages nous disent, à nous lecteurs, ce qu’ils auraient dû se dire entre eux. Stéfani Meunier met le doigt sur ce travers bizarre, ô combien humain, qui fait que l’on préfère souvent se confier à des étrangers plutôt qu’à nos proches. "Plus on se connaît, moins on ose se parler. Je suis comme ça moi aussi, on essaie de plaire, on a peur de décevoir. Alors on s’ouvre à des étrangers." Ce trait de la nature humaine, on le reconnaît dans la vie comme dans le roman, assis au bar devant une bière, en train de conter sa vie à une serveuse dûment compréhensive.

Il est aussi question de l’art d’être parent. La relation d’amitié qui s’installe entre Dan et Léo se fait l’exact contraire de la relation manquée, manquante, entre Dan et son propre fils. Pourquoi est-ce si difficile, parfois, d’aimer son enfant? Et comment vivre avec la culpabilité de ne pas savoir comment s’y prendre? Plusieurs des moments les plus touchants du roman reposent sur ces questions qui, de toute éternité, harassent les parents. En regardant une photo de son fils, Dan regrette: "cette photo me montrait mon fils au moment où il avait commencé à perdre ses grands rires francs, ses sourires à pleine bouche, mais aussi à un moment où rien n’était vraiment perdu, où j’aurais pu faire quelque chose, le prendre dans mes bras et le chatouiller jusqu’à ce qu’il hurle de rire plutôt que de prendre une photo idiote". En d’autres occasions, c’est la mère de l’enfant qui raconte à quel point sa venue a, du même coup, fait apparaître la mort partout autour d’elle, prête à frapper.

Le roman n’en procure pas moins un sentiment de réconfort que Meunier a pris soin d’ajouter à la pâte. "Je voulais que mes personnages soient positifs. Oui, ils ont des problèmes, mais ils essaient de s’en sortir. Même s’ils ne réussissent pas, c’est pas grave. Ils évoluent." On sent, jusque dans l’écriture, un optimisme qu’il fait bon lire. "Le mythe de l’écrivain torturé, j’y crois pas du tout. Il faut que je sois sereine pendant que j’écris. Bien sûr, il faut avoir souffert pour avoir de l’empathie, mais je ne crois pas qu’on puisse écrire en état de souffrance." En dehors des tragédies et des pathologies se trouve tout un éventail d’histoires qui méritent d’être racontées.

Et puis on se reconnaît facilement dans ces personnages de souffrants ordinaires, désemparés, qui, au contact des autres, brisent leur coquille et, poussés en bas du nid par Meunier, déploient leurs ailes.

Et je te demanderai la mer
de Stéfani Meunier
Éd. du Boréal, 2008, 177 p.

Et je te demanderai la mer
Et je te demanderai la mer
Stéfani Meunier
Boréal