Benoît Trottier : Ça passe ou ça casse
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Benoît Trottier : Ça passe ou ça casse

Après plusieurs années à sonder l’âme du consommateur québécois, le publicitaire Benoît Trottier nous invite à pénétrer celle de sept personnages dont la vie se retrouve à un carrefour. Arriveront-ils à se réinventer?

Chaque nouvelle porte le nom d’une couleur. Dans la première, intitulée "Le Vert", une femme dans la cinquantaine coud les rideaux qui mettront la touche finale au gîte qu’elle compte ouvrir. Des rideaux verts, destinés à une chambre tout de vert vêtue, dont l’aubergiste tire déjà beaucoup d’orgueil. Hélas, les premiers clients seront pour elle une amère désillusion… Puis viendront "Le Rose" – un homme qui découvre son homosexualité lors d’un voyage d’affaires olé olé -, "Le Jaune" – une réceptionniste qui jette tout pour embrasser la vie d’actrice -, "Le Bleu" – un réalisateur qui s’entête à tourner son film comme il l’entend -, des personnages tous aux prises avec leur destin. "Je voulais leur faire vivre un moment charnière de leur vie, avance l’auteur, et voir comment ils s’en tirent. Ça passe ou ça casse! Et puis, il y a quelque chose qui ressemble à l’acte d’écrire là-dedans. Je voulais créer quelque chose et voir comment, malgré les embûches, j’allais y arriver."

Trottier s’en est bien sorti. D’abord, les personnages sont plus vivants que nature; leurs gestes et leurs pensées sont généreusement décrits, à travers les tirades qui donnent à l’écriture son souffle et son style. "J’ai enfin trouvé ma façon d’écrire, c’est mon rythme, c’est mon ton. J’écris des phrases très longues, et avec la ponctuation, cela donne un effet d’urgence", observe-t-il. La haute définition des âmes fait contrepoint au mystère entourant les lieux. Ceux-ci, affublés de noms fictifs, couverts de neige et insondables, parlent plus de la difficulté à se connaître soi-même qu’ils ne traduisent un réalisme climatique. "Le village de Pickton Vale ressemble à d’autres petits villages de villégiature où l’on va faire du ski, comme Bromont, par exemple. Il correspond à quelque chose pour moi: c’est le lieu de l’enfance, d’où l’on est parti et où l’on ne veut pas retourner, comme s’il y avait quelque chose de tabou. Et puis les personnages reviennent, d’une nouvelle à l’autre, comme on revient à notre enfance, constamment, sans trop savoir pourquoi."

Ce mouvement du sens, qui part, qui revient, n’est pas étranger à l’auteur, qui a trouvé dans la psychanalyse beaucoup d’inspiration. "Il y a dans mon livre un mélange de gravité et de légèreté. C’est très proche de mon expérience en psychanalyse… et en publicité! Il faut qu’on trouve ce qui est le plus important au monde pour le consommateur, et qu’on l’exprime avec légèreté, de manière accrocheuse!" À cet effet, avouons que Des nouvelles de Pickton Vale est un livre qui sait accrocher son lecteur. Il ne révolutionnera pas la littérature québécoise, ni même le genre, mais on s’y plonge avec plaisir, jusqu’à tout oublier autour de soi. C’est déjà beaucoup.

Des nouvelles de Pickton Vale
de Benoît Trottier
Éd. Québec Amérique, 2008, 152 p.

Des Nouvelles de Pickton Vale
Des Nouvelles de Pickton Vale
Benoît Trottier
Québec Amérique