Lucia Etxebarria : Médecine douce
Contre toute attente, Lucia Etxebarria signe non pas un petit roman à succès dont elle a le secret, mais un essai lucide qui dissèque un mal répandu: la dépendance émotionnelle.
Quelque part entre les ouvrages de psys dits "sérieux", ses propres observations et la psycho-pop, Je ne souffrirai plus par amour est, comme le dit l’écrivaine espagnole Lucia Etxebarria, un "livre-aspirine". "Je ne prétends dispenser aucune vérité ou formule miracle pour s’en sortir", insiste-t-elle, bien que son éditeur français ait inscrit "recettes du bonheur" sur la couverture. "J’ai écrit ce livre il y a quatre ans alors que j’étais en thérapie. À la fin, ça a donné un petit bouquin dont je n’aurais jamais cru qu’il puisse devenir un best-seller [il s’est hissé en quatre jours sur la liste des meilleures ventes espagnoles!]. J’écrivais dans le but de clarifier mes idées et de systématiser mes observations. Et aussi parce que j’en ai marre des livres de psycho-pop paternalistes, mal écrits et qui te traitent comme un enfant."
Entre la table des matières et la préface, un petit test s’est glissé. Le cumul des points vous permet de savoir si ce livre s’adresse à vous. Plusieurs y trouveront leur compte puisque la dépendance amoureuse et la souffrance qu’elle engendre touchent presque tout le monde à un moment ou à un autre et que certains vont jusqu’à en faire un pattern amoureux. "Tout le monde a droit au bonheur, sauf peut-être les néonazis, les skinheads et les spéculateurs immobiliers", écrit l’auteure d’Amour, Prozac et autres curiosités. Vous avez là une idée du ton.
Parmi les penseurs cités: Freud et Jésus-Christ, mais aussi le Jedi, Woody Allen et les chansons de The Police. Moins détaché que dans les ouvrages du genre, le texte laisse poindre ici et là des adresses directes au lecteur. Au mitan du bouquin, Etxebarria se permet une parenthèse où elle avertit celui-ci que, vu leur proximité nouvelle – elle a disséqué la totalité de ses histoires sentimentales sous ses yeux, après tout -, elle abandonne désormais le "vous" au profit du "tu".
D’abord refusé par son éditeur habituel – qui espérait plutôt un autre roman et qui doit s’en mordre les doigts en ce moment -, Je ne souffrirai… doit son succès au fait qu’il traite d’un mal moderne dont bon nombre d’homo sapiens sont atteints bien malgré eux. "Au départ, j’avais des problèmes émotionnels liés au fait que j’avais grandi dans une famille très catholique et machiste. On m’a enseigné à devenir une femme que je ne peux pas être. J’étais dans une position de pouvoir professionnellement, mais émotionnellement, je me retrouvais dans des relations de couple où je ne pouvais pas m’épanouir, d’où ma thérapie, au cours de laquelle j’ai compris que ce n’était pas qu’un problème psychologique personnel, mais qu’il s’agissait en vérité d’un blocage généralisé, d’ordre social, observe l’écrivaine de 42 ans. Même encore aujourd’hui, les mariages impliquent une construction symbolique basée sur la soumission de la femme. C’est incroyable, le nombre de femmes autour de moi qui ont sacrifié leur vie au nom de l’idée qu’elles se faisaient d’un amour romantique qui s’est avéré destructeur."
Heureusement, cette clairvoyante des choses du coeur propose quelques solutions tout en réitérant la formidable "capacité de régénération de l’être humain".
Je ne souffrirai plus par amour
de Lucia Etxebarria
Éd. Héloïse d’Ormesson, 2008, 330 p.