Jean-Christophe Grangé : Anges de la mort
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Jean-Christophe Grangé : Anges de la mort

Jean-Christophe Grangé a décidé d’écrire sur les enfants meurtriers après avoir écouté le Miserere de Gregorio Allegri. Un sujet qu’il a trouvé difficile.

Lorsqu’il écrit, celui que les Français comparent à Stephen King aime écouter de la musique. C’est ainsi qu’un jour, alors qu’il rédigeait Le Serment des limbes (2004), l’idée d’imaginer une intrigue autour du chant a cappella de Gregorio Allegri lui est venue à l’esprit: "J’écoutais une version chantée par des enfants à la voix très pure, presque désincarnée. Peu à peu, une intrigue tournant autour de voix d’enfants, gardiens d’un lourd secret, s’est imposée à moi", dit-il.

Seul hic: "J’ai des enfants, j’aime les enfants. Ça ne me plaisait pas du tout d’imaginer des enfants meurtriers. Pour m’en sortir, je les ai imaginés comme des êtres fantastiques, de sorte que finalement, quand on les voit apparaître, on comprend qu’ils sont eux-mêmes des victimes", explique Grangé au sujet des méchants qui donnent du fil à retordre à Lionel Kasdan et Cédric Volokine, deux flics que tout sépare, mais qui préfèrent travailler ensemble plutôt que d’abandonner l’enquête.

REDEMPTION

Il faut dire aussi que l’ancien journaliste, qui s’intéresse encore énormément aux événements géopolitiques qui surviennent dans le monde, a le don de mettre en scène des personnages à la fois non conventionnels, torturés et attachants. Lionel Kasdan a 63 ans. Enquêteur d’origine arménienne respecté, veuf, cultivé, et à la retraite depuis cinq ans. S’il s’intéresse au meurtre du chef de chorale Wilhelm Goetz, c’est parce qu’il est survenu dans l’église de sa paroisse. Quant à Cédric Volokine, il a 30 ans et il est membre de la Brigade de la protection des mineurs. Sauf que le policier héroïnomane vient à peine de commencer une cure de désintoxication.

De plus, leur acharnement à suivre la trace des tueurs n’est pas bien perçu en haut lieu. Qu’à cela ne tienne, Lionel et Cédric n’ont plus rien à perdre. Ils sont au contraire à la recherche de rédemption et ne tiennent pas mordicus à sortir vivants de cette enquête qui leur fait voir les pires aspects de la violence humaine. Grangé a toutefois préféré les épargner: "Peut-être que je ramollis, mais contrairement à mes romans précédents, où souvent les héros meurent, j’ai voulu faire gagner le bien. Lionel et Cédric sont victorieux à la fin de l’enquête, qui leur permet également de se libérer de leurs démons personnels", souligne l’auteur qui s’est fait connaître en 1994 grâce au Vol des cigognes.

L’HISTOIRE AU SERVICE DE LA FICTION

Quand Miserere est sorti en France, tout le monde a cru qu’il s’agissait de la deuxième partie de la trilogie sur le mal commencée avec La Ligne noire (2004). Ce n’est pas le cas: "J’ai changé d’idée parce qu’en France, il y a plein d’auteurs qui font des trilogies. Le roman que j’écris en ce moment devait être la deuxième partie de la trilogie, mais ce n’est plus le cas car ça me paraît maintenant assez artificiel comme projet. Puis, d’une façon générale, quand on regarde mes romans, on voit bien que j’écris toujours sur le mal", dit-il en riant.

"Ce qui compte pour moi, c’est d’écrire une histoire bien compacte, avec une identité forte et des personnages qui lui sont propres", déclare celui qui aime se servir d’événements réellement survenus – Miserere entraîne le lecteur dans une secte au Chili pendant le coup d’État de Pinochet ainsi que dans les camps de concentration nazis – pour installer ses intrigues dans des univers concrets et ainsi les rendre plus réalistes, sans pour autant chercher à transmettre un message ou une morale: "J’utilise les événements passés comme un matériau me permettant de sculpter mes histoires à moi. Comme elles sont toujours un peu abracadabrantes, l’utilisation d’éléments historiques me permet de semer le doute dans l’esprit du lecteur. Ça ajoute au suspense et au côté haletant de l’intrigue", croit l’auteur, qui est parvenu à ne pas laisser le succès lui monter à la tête malgré le fait que tous ses livres ont été, ou sont en voie d’être adaptés au cinéma.

Par exemple, le projet de film pour Le Serment des limbes avance bien. Miserere a déjà capté l’attention des producteurs: "Le milieu du cinéma est toujours à la recherche de bonnes histoires, et son intérêt est la preuve que mes livres contiennent de bonnes histoires. Les films qui ont été faits ont eu des fortunes diverses, certains n’ont pas du tout marché, mais malgré ça, les producteurs continuent de s’intéresser à mes romans. Pour moi, c’est un réel compliment. Pour le reste, je garde espoir qu’il y ait en bout de ligne quelques bons films tirés de l’ensemble de mes livres."

Miserere
de Jean-Christophe Grangé
Éd. Albin Michel, 2008, 528 p.