André Marquis : Vice de procédure
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André Marquis : Vice de procédure

Le poète et auteur pour la jeunesse André Marquis s’éloigne de son registre habituel et signe un étonnant petit polar doublé d’une histoire d’amour kaléidoscopique.

André Marquis aime se surprendre autant que surprendre son lecteur. Son premier roman "adulte", Les Noces de feu, s’articule autour de deux récits entrecroisés: une enquête policière à la suite d’un incendie mortel dans un centre équestre et l’histoire au je du principal suspect, Jules, à moitié perdu dans ses pensées. Un livre que l’auteur dit volontiers "multigenre" et qui, dès ses premiers balbutiements, a représenté une matière difficile à cerner. Comme il les aime. "Si je remonte aux premiers jets, se souvient-il, c’est même un roman jeunesse que j’avais en tête. J’ai écrit une quinzaine de pages sur ce ton-là, puis l’idée a dormi plusieurs mois, jusqu’à ce que le prof que je suis trouve un peu de temps pour y travailler de nouveau. J’ai alors réalisé que l’histoire m’emmenait dans une direction nouvelle. Un autre ton s’imposait."

Le prof en question, qui enseigne la création littéraire à l’Université de Sherbrooke, auteur du manuel Le Style en friche. L’art de retravailler ses textes, dit écrire un peu au pif, sans aucun plan. Un paradoxe? "Non, c’est le procédé qui me convient, c’est tout. Chacun doit créer en accord avec la façon dont son cerveau fonctionne, c’est ce que je dis toujours. Mais au fond, chez les auteurs qui prétendent se passer de plan, il y a tôt ou tard une structure qui s’impose, on entrevoit une direction. Sauf qu’on se laisse la possibilité d’être surpris par la suite des choses."

Dans le cas qui nous occupe, il en résulte une histoire dont le fil demeure clair, qui a l’efficacité du polar, mais durant laquelle l’auteur se permet une série de petits détours, de commentaires sur ceci ou cela, parfois à la limite de la digression. "J’aime jouer avec les mots, admet André Marquis, et je suis conscient que ça peut devenir une faille dans l’écriture, m’amener à dériver. C’est le danger, mais je tiens à cette notion de jeu; je veux qu’il y ait une part d’imprévisible dans le texte."

Le jeu, la liberté du langage, on les perçoit aussi dans les élans amoureux entre Jules et Marie-Jeanne, la victime, qui prennent parfois des teintes surréalistes. "Ça, je ne m’en suis pas rendu compte en cours d’écriture, mais on me le fait souvent remarquer depuis la parution. Il faut dire que j’ai toujours beaucoup aimé les poètes surréalistes", dit l’écrivain, ravi. Ravi puisque surpris…

Les Noces de feu
d’André Marquis
Éd. Triptyque, 2008, 124 p.

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LES NOCES DE FEU

D’une part, un drame bien réel: le cadavre d’une ado est retrouvé dans les restes d’un centre équestre incendié. D’autre part, le monde en partie fabulé de Jules Desautels, un grand brûlé confiné à sa chambre d’hôpital, que veille une infirmière étrange et qu’interroge un psychiatre peu crédible et surtout peu scrupuleux. Entre les deux, une large zone d’ombre, que cherche à décrypter l’inspecteur Théoret. Les pièces du puzzle s’assembleront peu à peu, nous faisant réaliser que le drame en cachait un autre, plus lent, plus sournois. Un roman échevelé mais pas banal, qui revisite avec invention la structure traditionnelle du polar.

Les Noces de feu
Les Noces de feu
André Marquis
Triptyque