Revue 2008 / Livres : Des soucis et des hommes
Livres

Revue 2008 / Livres : Des soucis et des hommes

En 2008, la planète livre a tremblé à quelques reprises, souvent de colère, parfois de bonheur. État des lieux.

La littérature est d’abord entre les mains de ceux qui la font. Avant de revenir sur les ratés de quelque organisme ou la bêtise de quelque multinationale, rappelons-nous les plumes qui ont embelli l’année. Ces auteurs établis qui ont su nous surprendre, par exemple, à commencer par Monique Proulx et son pétillant Champagne, Dany Laferrière et son très décomplexé Je suis un écrivain japonais, ou encore, venus de plus loin, Salman Rushdie et son Enchanteresse de Florence ou Russell Banks et La Réserve (une fort belle lecture de vacances, pour ceux qui ne l’auraient pas encore lu).

Quelques nouvelles têtes y sont allées, pour leur part, d’un botté d’envoi spectaculaire. On pense à D.Y. Béchard et son ambitieux Vandal Love, Dominique Fortier et son très achevé Du bon usage des étoiles, Guillaume Corbeil et ses nouvelles cousues main, sous le titre L’Art de la fugue, ou bien Mégot mégot petite mitaine, des nouvelles encore là, sublimes, signées Johanne Alice Côté.

DES HAUTS ET DES BAS

La littérature est d’abord entre les mains de ceux qui la font, soit, encore faut-il que ces mains ne soient pas liées. Quelques grandes déceptions ont ponctué 2008, dont l’annonce, vers la fin de l’été, de la suppression par le gouvernement Harper de l’enveloppe des Routes commerciales, qui favorisent la circulation à l’étranger de nos livres et nos auteurs. À quelque chose malheur est bon: les gens du milieu du livre – comme des autres secteurs culturels québécois – se sont vigoureusement mobilisés pour chanter l’importance du soutien gouvernemental à la création d’ici.

Autre chapitre sombre: le procès intenté à la minuscule maison d’édition Écosociété par la multinationale Barrick Gold, irritée par certaines allégations (pourtant fort documentées) contenues dans le livre Noir Canada, dont les auteurs remettent en question certaines pratiques de la géante aurifère. Devant cette approche guerrière, qui nous ramène à l’âge de pierre de la liberté d’expression, plusieurs organismes ont veillé au grain, rappelant leur importance en temps de crise, entre autres l’ANEL (Association nationale des éditeurs de livres) et l’UNEQ (Union des écrivaines et des écrivains québécois).

La littérature n’est pas un oiseau bête. Elle connaît la contrainte, elle la recherche même, mais elle ne souffre pas qu’on remette en question l’étendue de sa liberté. Hier comme aujourd’hui, et vraisemblablement demain, il faudra le dire haut et fort, encore et encore.

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TOP 5 QUEBEC

1. NAISSANCE DE REBECCA A L’ERE DES TOURMENTS DE MARIE-CLAIRE BLAIS (BOREAL)

Tout le chant blessé du monde concentré dans quelques centaines de pages. Dense et enivrant.

2. CHAMPAGNE, DE MONIQUE PROULX (BOREAL)

Une ode à la nature, à ses miracles quotidiens, doublée d’une fine étude des moeurs humaines.

3. VANDAL LOVE OU PERDUS EN AMERIQUE, DE D.Y. BECHARD (QUEBEC AMERIQUE)

L’acte de naissance d’un écrivain qui laissera vraisemblablement sa marque sur la terre des lettres américaines.

4. JE SUIS UN ECRIVAIN JAPONAIS, DE DANY LAFERRIERE (BOREAL)

La énième démonstration, et sans doute la plus brillante, d’un romancier chez qui l’écriture sait abolir toutes les frontières.

5. MINIATURES, BALLES PERDUES ET AUTRES DESORDRES DE MONIQUE DELAND (NOROIT)

Malgré un rayonnement confidentiel, une oeuvre poétique du plus haut niveau, réjouissante d’exigence et de beauté sombre.

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TOP 5 HORS QUEBEC

1. UN CHASSEUR DE LIONS D’OLIVIER ROLIN (SEUIL)

À la fois très 19e et très contemporain, un livre qui embrasse large, et que l’on porte longtemps.

2. LA ROUTE DE CORMAC MCCARTHY (DE L’OLIVIER)

Un buzz planétaire, oui, mais tout à fait mérité, pour une fois.

3. LES ANNÉES D’ANNIE ERNAUX (GALLIMARD)

À la fois autobiographie et chronique sociale, un livre-somme, une fresque mêlant avec brio le personnel et le collectif.

4. LE TIGRE BLANC D’ARAVIND ADIGA (BUCHET/CHASTEL)

Un roman féroce autant que drôle, couronné par le Booker 2008, qui montre la face sombre d’une Inde en pleine transformation.

5. LA-HAUT VERS LE NORD DE JOSEPH BOYDEN (ALBIN MICHEL)

L’écrivain canadien jette un regard tendre et lucide sur les communautés des Premières Nations et leurs rêves en péril.