Reine-Aimée Côté : Le monde est un théâtre
Cinq ans après avoir remporté le prix Robert-Cliche, Reine-Aimée Côté fait paraître un deuxième roman, le portrait d’une femme à la croisée des chemins, partagée entre ses désirs de scène et de maternité, entre création et procréation.
En 2004, elle avait attiré l’attention avec Les Bruits, prix Robert-Cliche du premier roman. Reine-Aimée Côté publie aujourd’hui L’Échappée des dieux, dont la langue est héritière, plus encore que le titre précédent, des avancées poétiques de celle qui a également publié un recueil de poèmes, Haillons de lune (JCL, 1997).
Au centre de l’histoire, il y a Lisa, la narratrice, qui à l’aube de la quarantaine a renoncé à une carrière de comédienne pour aller jouer, auprès d’un homme connu vingt ans plus tôt, le rôle de sa vie. Littéralement. "Pourquoi vouloir plus que la stupéfiante lumière des jours sans histoire?" La question, empruntée à Christian Bobin et placée en exergue, n’ouvrait pas ce livre par hasard.
Lisa et son Louis s’installeront loin de tout, près d’un petit lac, inventant un espace bien à eux, où le cycle des jours reprendra ses droits. Second souffle de leur vie, qui se conjugue bientôt au projet d’enfanter. "Notre réunion devient une pensée créatrice, un lieu inexpliqué qu’aucune rhétorique n’atteint."
Si l’affaire était si simple, on s’en doute, il n’y aurait pas de roman. C’est qu’on ne fait pas taire ainsi ce qui des années durant a été le moteur d’une existence. C’est qu’il y a Morel aussi, ce talentueux metteur en scène, amant de Lisa, qui avait fait d’elle son égérie. Louis a beau la retenir désormais "avec l’attraction d’une planète", son ventre a beau s’arrondir, Lisa bascule souvent dans ses désirs mal éteints.
Le cheminement de cette dernière est tracé tout en images, en métaphores, dans une langue qui prend quelquefois appui, aussi, sur la fascination qu’a la narratrice pour les nombres et leur symbolique. Pour donner encore davantage de relief à une trame déjà dense, Reine-Aimée Côté insère çà et là des citations pigées chez Paul Verlaine, André Gide, Gilles Vigneault, Sylvain Lelièvre… "Le monde est un théâtre, on peut le voir de partout à la fois", lit-on par exemple dans le texte, sans guillemets, clin d’oeil à Philippe Sollers (on trouvera les références à la fin de l’ouvrage).
Malgré la puissance d’évocation d’une écriture ample, ciselée, l’auteure n’a pas su éviter un petit côté manichéen qui agace, dans la manière d’opposer le théâtre et la vraie vie, l’ambition personnelle et la participation à un dessein plus grand que soi. Entre la ville et la nature sauvage, par extension. Reste à vivre en ces pages une véritable aventure de la langue, qui réveille par moments les grandes questions à l’oeuvre en chacun de nous.
L’Échappée des dieux
de Reine-Aimée Côté
VLB éditeur, 2009, 144 p.
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