Martine Audet : Objet trouvé
Livres

Martine Audet : Objet trouvé

Trois ans après Les Manivelles, Martine Audet continue à travers L’Amour des objets à nommer les gestes et les choses qui impriment notre présence au monde.

Depuis quelques jours et jusqu’au 11 avril, à la maison de la culture Plateau-Mont-Royal, on peut parcourir le fascinant dialogue poésie/photographie intitulé Les Grands Cimetières 1: le ciel n’est qu’un détour à brûler. De courts poèmes sur les certitudes brisées, le geste d’écriture, accolés à des photos petit format, qui montrent des pages froissées, des papiers épars, sorte de gros plan sur le parquet d’un bureau d’écrivain. Leur auteure, Martine Audet, est là tout près, on croirait entendre ses pas feutrés entre les lignes. Et on se sentira en terrain familier quand on ouvrira, plus tard, L’Amour des objets, son neuvième recueil.

Morceaux d’idées, mots tombés d’un cahier puis retrouvés, revisités par une artiste qui s’applique à tracer un pointillé entre les choses, histoire que nos vies ne soient pas qu’une série de fragments étrangers les uns aux autres. Telle est l’impression que nous laisse la poésie à la fois douce et têtue de Martine Audet. Une langue qui provoque d’abord un état, impose une disponibilité aux menus événements qui font que là où il pourrait n’y avoir que néant, il y a l’existence, ses douleurs, ses envols, ses colères, ses soifs. Sur le plan formel, un extrême dénuement, un besoin d’essentiel que colore ici une utilisation audacieuse de la ponctuation. Quelque part dans chaque poème, deux points isolés tracent un avant et un après, introduisent un élément de logique interne intrigant: "J’attache une corde / aux branches / : / les fruits m’expliquent / comment tomber."

L’Amour des objets est en fait le premier segment du livre, qui comporte en tout cinq séries de poèmes ayant en commun l’impact du haïku, le goût d’un alcool fort. "L’alcool du coeur", pour reprendre une image du segment nommé "La coupe", qui s’articule autour du journal de l’écrivain et journaliste français Hervé Guibert (1955-1991), Le Mausolée des amants. Journal 1976-1991 (Gallimard, 2001).

Partout, une économie et une densité qui forcent le respect, et qui surtout évoquent à merveille les à-coups, les essais, erreurs et trouvailles de notre quête sur les chemins de la Terre. Une quête parfois ponctuée d’une pause, comme une respiration ("Tu déposes le monde / comme un outil"), avant de reprendre de plus belle.

Il y a quelques jours, Martine Audet voyait s’ajouter à la liste des prix qui ont marqué son parcours un Prix littéraire Radio-Canada (2e prix, catégorie Poésie, pour Je demande pardon à l’espèce qui brille). Un indice supplémentaire de ce que croient de plus en plus d’observateurs: la poète figure désormais parmi les voix les plus justes et les plus riches de notre littérature.

L’Amour des objets
de Martine Audet
Éd. de l’Hexagone, 2009, 80 p.

L'Amour des objets
L’Amour des objets
Martine Audet
De l’Hexagone