Marc Bressant : Jeu de blocs
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Marc Bressant : Jeu de blocs

Dans La Dernière Conférence, Marc Bressant raconte les dessous d’une conférence diplomatique Est-Ouest au moment de la chute du mur de Berlin. Rencontre.

Il y a, en France, une longue tradition d’écrivains diplomates qui se sont inspirés de la carrière de globe-trotter dans l’écriture de leurs romans. On pense à Claudel. On pense aussi à Alexis Leger, mieux connu sous son nom de plume: Saint-John Perse.

Patrick Imhaus, ancien ambassadeur de France en Suède, emprunte lui aussi un pseudonyme, Marc Bressant, ce romancier dont le sixième livre remportait le Grand Prix de l’Académie française cet automne.

Londres, octobre 1989. Tromelin, le narrateur, est appelé à diriger la délégation française lors d’une rencontre de plusieurs mois entre des représentants des blocs Est et Ouest. Son récit nous guide dans les couloirs feutrés d’une diplomatie devenue experte dans l’art du sur-place. Une réalité que Bressant a un peu connue au fil de sa carrière de diplomate: "Il y avait une réelle séparation entre ces deux camps qui n’avaient rien à se dire. Ce genre de conférence ne servait à rien, ou presque", nous rappelle l’auteur.

Mais alors que la conférence fictive ici mise en scène bat son plein, le mur de Berlin chute. S’installe alors une sorte de flottement chez les conférenciers alors que dans leurs capitales respectives la zizanie règne.

"Personne n’a prévu ce qui s’est passé, explique Bressant. Tout le monde était absolument convaincu que le mur était là pour cent ans. C’était d’ailleurs la propagande des Soviétiques. À l’Ouest, nous pensions que si le mur tombait, ce serait une tragédie. Souvenons-nous qu’il y avait plus de 400 000 soldats soviétiques en Allemagne de l’Est, des armes nucléaires, des missiles partout."

Marc Bressant prend clairement plaisir à décrire les moments d’improvisation qui ont suivi la chute du mur. Mais au-delà de l’étude quasi anthropologique de l’attitude de ces apparatchiks en vase clos et des tentatives d’une certaine classe dirigeante de tirer profit de ce moment historique (le livre propose quelques épisodes savoureux mettant en vedette une Margaret Thatcher quelque peu dépassée par les événements), La Dernière Conférence témoigne de notre incompréhension des grands basculements de l’histoire au moment où ils ont lieu.

"La chute du mur a très vite été perçue comme une victoire de l’Ouest. On voyait apparaître des théories farfelues, comme celle de Fukuyama sur la fin de l’histoire. Mais l’histoire a continué son cours. Et la guerre froide a continué à avoir des conséquences graves, même après la chute de Berlin, en ex-Yougoslavie ou en Afghanistan."

Bressant aurait pu donner à son roman une fin heureuse, le clore sur une saynète joviale dans quelque quartier populaire du Berlin libéré. Il le termine plutôt à Belgrade, au moment où la Yougoslavie éclate, nous livrant ainsi un avertissement face à l’optimisme triomphant et à la sale manie que nous avons de ce côté-ci des ruines du mur de pratiquer la pensée magique.

La Dernière Conférence
de Marc Bressant,
Ed. de Fallois, 2008, 240 p.

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