Lise Blouin : Debout
Lise Blouin raconte une femme debout et nous rappelle que les Dissonances, existentielles et musicales, sont souvent le sel de la vie.
"Quasiment tous mes écrits présentent des femmes qui s’assument. Celui-là, d’ailleurs, est dédié aux femmes debout, et je trouve que ça résume bien tous les personnages que j’ai créés", explique Lise Blouin, les yeux posés sur son sixième roman, Dissonances.
La dernière femme debout en lice se nomme Florence. Des années 30 de sa naissance à son dernier repos, la vie de la Sherbrookoise sera animée de combats: pour les gagne-petit, pour les mal-aimés, pour les exploités, etc. Et pour les femmes, d’abord et toujours. Un roman que l’écrivaine encapsule dans une question: "Entre la naissance et la mort, qui nous arrivent de façon tout à fait arbitraire, comment l’individu peut-il exercer sa liberté?"
Roman essentiellement existentiel selon son auteure, Dissonances emprunte tout de même au roman historique son souci d’une certaine exactitude factuelle. Avec le concours de l’historienne Micheline Dumont et grâce à de longues recherches, l’écrivaine a pu propulser son personnage principal dans de véritables manifestations féministes – colloques, réunions – de l’époque.
Quant au soi-disant ressac des idées féministes chez les jeunes générations que d’aucuns évoquent, la récipiendaire du prix Alfred-Desrochers 2004 se dit optimiste, quoique vigilante. "Je ne suis pas quelqu’un qui lance la pierre. Elles sont jeunes encore. Au fil de leur vie, elles vont être confrontées dans leurs choix de vie et auront des prises de conscience", suppute-t-elle.
Portée par un désir d’"ancrer la fiction dans le réel", la romancière a également fait le choix de situer ses Dissonances dans la reine des Cantons. "C’est très important pour moi. On lit des romans français qui se passent dans des petits villages et on ne bronche pas. C’est une façon de faire vivre un lieu, de l’immortaliser. C’est ma façon de rendre hommage à Sherbrooke; je trouve important de la porter. Cette ville-là a un imaginaire qu’on doit transcrire, qu’on doit capter." Ce qui caractériserait cet imaginaire? "La proximité, répond-elle. Il n’y a rien qui est anonyme à Sherbrooke. Tout est facile d’accès."
AU SON DE L’OISEAU
Évocations des musiques de Bill Evans et de John Lewis et présence fugitive d’un certain Parker, personnage obsédé par le légendaire bopper Charlie Parker, marquent au sceau du jazz le dernier Lise Blouin.
"Je voulais un titre musical. J’ai beaucoup changé au fil des diverses versions. Je voulais trouver un terme musical qui rend compte des relations dans mon roman. Les relations sont parfois dissonantes, mais elles sont quand même accrochées à un thème, comme un thème musical. Parfois ça fausse, mais il y a un lien qui persiste", explique la mélomane qui, tous les jours, à l’heure de l’apéro, syntonise la radio jazz.
Un amour qui, pour l’écrivaine, s’est transformé en choix esthétique, puisqu’elle a tenté de transposer la proverbiale pulsion jazzistique à l’écrit. "J’ai beaucoup travaillé le rythme de mes phrases. Entre autres en enlevant beaucoup de virgules." Égrener les virgules comme un saxophoniste égrène les notes…
Dissonances
de Lise Blouin
XYZ éditeur, 2009, 272 p.