William S. Messier : À la frontière du réel
Avec Townships, récits d’origine, William S. Messier revisite le territoire de son enfance par des nouvelles dans lesquelles le commun devient légendaire.
Collaborateur de première ligne à la revue Biscuit chinois, William S. Messier habite aujourd’hui Montréal. Il s’y trouve pour compléter ses études en littérature américaine, mais ne comptez pas sur lui pour s’inspirer de l’urbanité et ainsi rédiger des histoires se déroulant sur le plateau Mont-Royal… "Je n’écris jamais à propos de la ville. Ce n’est pas une célébration du type "la solution est à la campagne", mais je trouve important de la faire parler."
Fasciné par l’écriture pragmatique et vernaculaire d’auteurs américains tels William Faulkner et Mark Twain, Messier lançait récemment Townships, récits d’origine, un premier recueil de nouvelles enraciné dans les Cantons-de-l’Est. Le résultat n’a rien d’un carnet touristique de la région. "Parce qu’il y a plusieurs inexactitudes", précise d’un ton amusé celui qui a grandi dans la MRC de Brome-Missisquoi. "D’un point de vue personnel, c’était important de partir de chez moi, de mes origines. Pour une première oeuvre, je trouvais que ça allait de soi. De plus, mon recueil part plus d’une identification à un territoire qu’à une culture."
"En littérature, je suis sensible au sentiment communautaire, poursuit-il. J’aime sentir le lieu où l’auteur habite. Ça parle beaucoup. Il y a une poésie de rattachée à ça."
ARRIÈRE-GOÛT FOLKLORIQUE
Le territoire de prédilection de Messier longe la frontière des États-Unis. Selon l’auteur, l’américanité du Québec s’observe bien dans les Cantons-de-l’Est, et c’est ce qui en fait une région particulière. "Moi, j’ai vécu dans ce climat-là. Plus jeune, j’allais souvent au cinéma dans le Vermont. Même de ce côté-ci de la frontière, plusieurs maisons arboraient le drapeau américain. La culture anglophone y était très présente, mais je ne la sentais pas envahissante comme on peut la sentir à Montréal."
L’influence de nos voisins du sud ne s’arrête pas là pour William S. Messier, car l’ambiguïté dans le réel de ses nouvelles, la tension entre le vrai et le faux, est typique de la tall tale américaine. "Je trouve fascinant de jouer sur les deux plans", explique-t-il. Ainsi, malgré de nombreuses références géographiques et des noms connus, chaque histoire bascule à un certain moment dans le surréel. "J’ai voulu me bâtir une voix par les thématiques, le style et un arrière-goût folklorique."
L’une des mailles de cette grande toile de nouvelles tricotée serré porte sur l’annonce de la mort de Gerry Boulet par le DJ des glissades d’eau de Saint-Pie. "C’est un fait vécu. Ça ne s’invente pas. Une amie de ma soeur a vécu ça. Il fallait absolument que j’écrive quelque chose là-dessus", raconte l’auteur. Entre ses mains, l’anecdote se conclut par une immense chorale de baigneurs qui chantonne Avec les yeux du coeur. Voilà un bel exemple de ces légendes façonnées avec soin par William S. Messier.
Townships, récits d’origine
de William S. Messier
Éd. Marchand de feuilles, 2009, 112 p.
À lire si vous aimez /
La tall tale américaine, la revue Biscuit chinois