Douglas Kennedy : Sauver la vie
Douglas Kennedy poursuit sa quête existentielle et s’affiche comme un auteur qui veut composer avec l’incertitude en toute clairvoyance.
À 54 ans, l’auteur américain Douglas Kennedy continue un travail amorcé avec La Poursuite du bonheur, un troisième roman phare qui avait cassé cette image de maître du suspense psychologique déterminée avec la sortie de son premier best-seller, L’homme qui voulait vivre sa vie. L’écrivain a tranché et est sorti d’une zone de confort pour aborder des questions sans réponse – les grandes questions, comme on dit -, à travers des personnages en proie à une existence qui balance.
Dans son 12e roman, Quitter le monde, les personnages qui croisent le chemin de l’héroïne-narratrice Jane Howard, une étudiante en littérature à Harvard, font écho à sa propre existence. Des symboles qui jaillissent et tentent d’expliquer cette fuite à Dublin, en Irlande, et cet "exil" à Londres, à Paris et à Berlin, où Douglas Kennedy est devenu le plus européen des écrivains américains.
"Je suis toujours resté un Américain. Par contre, je pense que, dans mon écriture, l’Europe m’a corrompu, indique-t-il avec ce rire qui disculpe tout. Une facette de ce roman, c’est l’idée qu’on doit survivre. C’est Pritchett qui a écrit que, dans l’histoire des États-Unis, il existe l’idée de la tragédie. La vie est une grande lutte et, selon mon expérience, on peut survivre. On peut s’améliorer." Une allusion qui fait aussi référence à la présidence de Bush, que le romancier, très critique envers son pays, qualifie de drame.
Ayant écrit son dernier roman alors qu’il était au terme d’un divorce, une année infernale selon ses dires, il tente d’y expliquer l’incertitude de la vie, qui s’affiche à travers des accidents qui nous marquent et dont les choix qui en résultent sont parfois justifiés par notre enfance. "C’est existentiel, affirme-t-il. Il faut accepter aussi que la vie va complètement changer. J’ai un fils de 16 ans qui est autiste. Je pense à son avenir… Mais la vie continue et on s’adapte. C’est ce que Jane illustre dans ce roman. La vie, elle est composée de plusieurs survies. Nous n’avons aucune idée de ce que nous réserve l’avenir. Je crois que la chose la plus importante dans une vie, c’est la curiosité. Si elle est là, on peut continuer."
"On est seul dans un univers impitoyable, renchérit-il, et il faut accepter qu’on est responsable de nos propres actions. À la fin, tout ce que nous avons, c’est notre vie. Peut-être que ce n’est pas beaucoup, mais elle est à nous. Dans une vie, tout est une grande narration. Maintenant, je suis à nouveau célibataire. Alors je rencontre des femmes. Nous allons dîner et nous partageons nos histoires respectives. C’est une narration. Mais ce n’est pas la vérité! C’est tout simplement notre propre version de celle-ci."
Inspiré par une citation du roman L’Innommable de Samuel Beckett – "Il faut continuer. Je ne peux pas continuer. Je vais continuer." -, il a décliné une réflexion qui correspond à cette société américaine qu’il aime haïr. "Il y a un côté très absurde dans notre société. Nous avons le peintre Norman Rockwell et nous avons Jackson Pollock! Il y a un grand gouffre entre l’ignorance et l’intelligence!"
Douglas Kennedy sera présent au Salon international du livre de Québec et participera à une rencontre d’auteurs le vendredi 17 avril à 19h. Toute l’info au www.silq.org.
Quitter le monde
de Douglas Kennedy
Éd. Belfond, 2009, 492 p.