Chris Killen : Sexe, mensonges et vidéo
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Chris Killen : Sexe, mensonges et vidéo

Chris Killen a connu beaucoup de succès en Angleterre avec The Bird Room, un premier roman où s’entremêlent paranoïa, sexe et art contemporain. Paraît aujourd’hui La Chambre aux oiseaux, une mouture québécoise du livre-choc.

Alice, Helen, Will et Will. Quatre jeunes adultes avalés par Londres et ses mirages. Quatre assoiffés de reconnaissance et d’amour dont l’étrange ballet est au coeur de La Chambre aux oiseaux, premier roman du jeune auteur britannique Chris Killen. Amateurs de Douglas Coupland ou Thomas Gunzig, il faudra mettre le nez là-dedans.

Will – le premier – voit tout en noir depuis qu’Alice s’éloigne de lui, elle avec qui sa vie incolore avait trouvé une consistance nouvelle. Cet hypersensible, tendance parano, ne met pas longtemps à voir un adversaire en l’autre Will, un ami à lui, artiste conceptuel particulièrement inspiré par les oiseaux (depuis, sans doute, qu’il a décapité une perruche avec ses dents). Ce n’est pas que Will – le second – soit beau, mais il exerce un magnétisme sur les filles en général et, Will numéro un en est convaincu, sur Alice en particulier.

Ailleurs dans la ville, on suit Helen, une "actrice" dont les rôles se limitent pour l’instant à des tournages pornos. Helen, qui autrefois s’appelait Clair mais qui a choisi un nom plus showbiz, à moins qu’elle n’ait voulu rompre avec un sombre passé.

JEU DE MIROIRS

Nerveux, découpé comme un vidéoclip et intégrant des échanges courriels ou des pages de recherches sur Internet, La Chambre aux oiseaux nous étourdit mais nous tient en haleine. Dès le début, tout ça sent le roussi, on voit bien que les protagonistes courent à leur perte, mais on brûle de savoir quelle couleur elle prendra.

L’auteur y va continuellement de sauts dans le temps, montrant une situation X (voire XXX) pour ensuite expliquer ce qui y a mené. Le récit y trouve un aspect saccadé, caméra à l’épaule, auquel contribue une narration tantôt à la troisième personne, tantôt portée par le je de Will – le premier -, qui oscille constamment entre le réel et le fabulé. Bienvenue au palais des glaces, grand jeu de miroirs où l’on pourrait extrapoler longtemps sur l’identité véritable des personnages (certains d’entre eux ne sont-ils pas sortis de l’imaginaire paranoïaque et mythomane de Will?).

Véritable petite bombe d’humour noir et d’invention, le roman de Chris Killen a été traduit par Aline Azoulay-Pacvon et adapté pour le Québec par Pierre-Yves Villeneuve. Et là il y a un os. Passe encore la convention qui autoriserait, comme au théâtre, que des jeunes évoluant dans les rues londoniennes puissent aller "tirer une pisse" ou lancer "Pognez-le tabarnak!", mais que la couleur québécoise se limite à ces quelques expressions, alors que le décor demeure on ne peut plus anglais, ça pose un problème. Il eût mieux valu nous donner à lire la traduction française initiale, ou encore adapter de fond en comble cette histoire qui aurait très bien pu, avec un peu d’imagination, avoir pour cadre Montréal.

La Chambre aux oiseaux
de Chris Killen
Éd. Hurtubise, 2009, 208 p.

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La Chambre aux oiseaux
La Chambre aux oiseaux
Chris Killen
Hurtubise HMH