Milan Kundera : Tour guidé
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Milan Kundera : Tour guidé

Milan Kundera nous propose Une rencontre, sorte de déambulation dans les allées de sa pensée littéraire.

Imaginez un peu: vous marchez à ses côtés dans la bibliothèque de Milan Kundera. Vous avez du temps devant vous, tous les deux. Le temps de vous arrêter devant tel titre, de l’ouvrir, d’en citer un bout, de discuter de sa place dans l’histoire de la littérature, puis de vous diriger vers tel autre, soucieux de défendre un génie mal-aimé. Ou encore d’établir des parentés qui ne figurent pas dans les manuels.

Une précision: vos pas ne sont pas tout à fait guidés par le hasard. L’auteur de La Valse aux adieux a une idée derrière la tête: il entend provoquer une rencontre. "…rencontre de mes réflexions et de mes souvenirs; de mes vieux thèmes (existentiels et esthétiques) et mes vieux amours (Rabelais, Janacek, Fellini, Malaparte…)".

Le nouveau livre de Kundera, recueil d’essais critiques tout en finesse, tout en liberté, nous donne exactement cette impression. Qu’il nous entretienne de "la comique absence du comique" chez Dostoïevski ou de la progressive apparition de la sexualité dans le roman du 20e siècle; qu’il observe qu’avant Cent ans de solitude de Garcia Marquez, les grands personnages de romans n’avaient pas de descendance (le projet fondamental du roman ayant longtemps engendré des individus à l’horizon défini) ou explore les liens entre les protagonistes de la négritude et les surréalistes – il revient entre autres sur la rencontre en Martinique, en 1941, de Breton et Césaire -, Kundera parle avec chaleur des héritages littéraires des deux derniers siècles, de ce qu’il y a personnellement puisé comme de ce qui résonne moins chez lui.

L’écrivain d’origine tchèque, naturalisé français en 1981, est particulièrement pertinent quand il s’attaque aux "listes noires", sur lesquelles se retrouvent, au gré des modes et des courants, les noms d’écrivains autrefois célébrés. Anatole France, par exemple, est ici en partie réhabilité, lui que les avant-gardes du 20e siècle ont tour à tour passé à la trappe de l’histoire. Chez Kundera, que ceci tue cela ne devrait pas nous faire oublier complètement les mérites de ceci.

Une rencontre: quelque 200 pages d’intelligence et d’érudition tranquille, de partage et de bilan, dont on ressort avec l’espoir que l’écrivain de 80 ans nous réinvitera bientôt à fouiller les rayons de son panthéon privé.

Une rencontre
de Milan Kundera
Éd. Gallimard, 2009, 208 p.