Bertrand Dicale : Aux arts, etc.
Le journaliste Bertrand Dicale décortique l’oeuvre de Serge Gainsbourg dans un ouvrage passionnant, portrait d’un chanteur dandy et méticuleux, le nez qui flaire l’air du temps.
Francis Hébert
Des livres sur Gainsbourg, il en pleut et il en pleuvra. Son oeuvre est suivie, traduite, échantillonnée aux quatre coins du monde. Elle demeure moderne et réjouissante, plusieurs décennies plus tard, contrairement à beaucoup de ses confrères (Brel, Brassens) dont les chansons, bien qu’excellentes, sont datées. La jeunesse suit Gainsbourg, mais nettement moins les autres artistes de la même génération.
Bertrand Dicale l’a compris. Longtemps journaliste au Figaro, spécialisé en chanson française et musiques populaires, Dicale a accepté l’invitation de la Cité de la musique à Paris de donner un cours sur le chanteur, et ça donne aujourd’hui Gainsbourg, en dix leçons. On n’y trouvera pas une biographie formelle et détaillée (pour cela, les ouvrages de Gilles Verlant existent). Ce qu’a choisi le professeur Dicale, c’est d’éclairer l’oeuvre gainsbourienne sous un nouveau jour, sous le prisme de l’érudition, en la mettant en contexte avec l’époque et en expliquant pourquoi elle résonne toujours autant à nos oreilles contemporaines.
Il faut donc assez bien connaître Gainsbourg si on veut suivre Dicale dans ses analyses. Ce dernier part de l’oeuvre et se permet bien peu d’écarts anecdotiques ou trop personnels. Tout cela est mené rondement, sans lourdeur, temps morts ou banalités. Ce livre en apprendra même à ceux qui croyaient tout connaître du grand Serge.
Dicale remonte jusqu’aux premières lectures marquantes du Gainsbourg adolescent, celles qui façonneront sa vision du monde et son personnage: À rebours d’Huysmans et Adolphe de Benjamin Constant. Au cours de ces leçons, on rencontre un élève qui s’applique à apprendre la musique, qui fraye avec les chanteuses rive-gauche, pour finalement bifurquer vers la planète yé-yé, plus lucrative. Le Gainsbourg de Dicale a du génie, mais il est aussi un plagiaire souvent pris la main dans le sac. Plusieurs plagiats sont cités, irréfutables, inexcusables. Car contrairement à Verlant, son biographe quasi officiel, Dicale ne cherche pas à redorer le blason de Gainsbourg. Il nous le présente en plein jour, sous une lumière crue.
Gainsbourg, en dix leçons
de Bertrand Dicale
Éd. Fayard/Chorus, 2009, 291 p.