Chasseurs de têtes
de Jo Nesbo
Roger Brown est le meilleur chasseur de têtes de toute la Norvège. Il "n’a jamais présenté un candidat à un poste qu’il n’a pas eu". Il est au top de sa profession et il le sait. Seule ombre au tableau: sa femme, Diana, est un peu trop belle, un peu trop grande, un peu trop intelligente pour lui. Ça aussi, il le sait. Pour qu’elle reste à ses côtés, il lui achète une galerie d’art dans un quartier huppé d’Oslo, et il loge son couple dans une maison de grand luxe. Bref, il fait tout ce qu’il peut, sauf lui donner l’enfant qu’elle désire. Brown a un secret, aussi. Il se prend pour Arsène Lupin. Il s’introduit chez ses clients lorsqu’il les sait en entrevue d’embauche, puis leur vole leurs plus beaux tableaux qu’il revend pour financer son train de vie excessif. Lorsqu’il rencontre Clas Greve, expert en espionnage, mais aussi propriétaire de la mystérieuse Chasse au sanglier de Calydon de Rubens, il se laisse prendre au piège, pour son plus grand malheur. Chasseurs de têtes tient autant du thriller sanglant, façon Stieg Larsson, que de la critique acerbe, à la Beigbeder, des milieux professionnels. Jo Nesbo signe un bon polar, où pour une fois, les flics ne sont pas les héros. Éd. Gallimard, 2009, 310 p. (Christophe Bergeron)
Promesses d’éternité
de Chrystine Brouillet
En voilà un qui va donner du fil à retordre à Maud Graham. Carol Blondin-Warren, alias Carl Blondin, rentre au bercail après avoir épanché aux États-Unis, pendant quelques années, sa folie pyromane et son besoin de contrôler l’esprit d’autrui. Le voilà sous nos latitudes, convaincu comme jamais d’être l’élu, celui que devront suivre ceux qui veulent se retrouver du bon côté au grand soir de l’Apocalypse. Une fois de plus, Chrystine Brouillet fait montre d’une grande maîtrise des codes du polar et de sa capacité à les appliquer dans le décor bien connu de la ville de Québec. En filigrane, le portrait crédible d’un gourou et une fine analyse de l’organisation des sectes, de ce qui pousse les âmes ébranlées à gober n’importe quoi. Nul besoin d’être investi du divin pour le prédire: on verra ce livre haletant sous bien des parasols cet été… Éd. La courte échelle, 2009, 392 p. (Tristan Malavoy-Racine)
Les masques de la nuit
de Pieter Aspe
Avec son petit nouveau, le Simenon flamand se fait un peu pardonner Chaos sur Bruges, ce précédent effort qui voyait l’inspecteur Van In sombrer dans la mousse de ses bières et l’ensemble du roman dans la conversation de taverne. Le plus intuitif des commissaires de Bruges lâche un peu la bouteille ce coup-ci, et l’auteur lui-même, semble-t-il, y gagne en cohérence. Il faut dire que la séduisante juge Hannelore Martens, qui vit maintenant avec Van In et qui est enceinte de lui, supervise de près l’enquête. Il est question d’un meurtre bien entendu, auquel sont mêlés, comme il se doit chez Pieter Aspe, des personnages en vue de la société flamande. On retrouve aussi avec plaisir Guido, l’assistant homosexuel de Van In, dont la rigueur tempère un peu les débordements souvent géniaux de son patron. Éd. Albin Michel, 2009, 320 p. (Tristan Malavoy-Racine)
Meurtre chez les Samaritains
de Matt Rees
Journaliste gallois, chef du bureau de Jérusalem du Times, Matt Rees propose une troisième enquête de son personnage, le Palestinien Omar Youssef, professeur d’histoire de son état. Cette fois-ci, Rees nous emmène dans le dédale des ruelles de la casbah de Naplouse l’ancienne. Ishtaq, un jeune Samaritain, a été assassiné. Est-ce parce qu’il était homosexuel? Où est-ce plutôt parce qu’il se chargeait des finances personnelles du "Vieux" (lire Arafat)? L’auteur nous plonge au coeur des rivalités Hamas-Fatah, dans une société où le meurtre est affaire quotidienne. C’est volontiers qu’il nous fait perdre, à plusieurs reprises, le fil de son enquête. On ressort de cette lecture étourdi, brassé par ce séjour dans un pays dont on parle beaucoup mais que l’on connait trop peu. Éd. Albin Michel, 2009, 350 p. (Tristan Malavoy-Racine)
Un chien de ma chienne
de Mandalian
Hasard? Destin? Quand sa route croise, pour une deuxième fois en quelques heures, celle de cette fille qui lui était entrée par tous les pores de la peau et de l’esprit, le narrateur a bien envie de remercier le ciel. Une envie qui pourrait bien lui passer, les retrouvailles prenant bientôt les allures d’un joli merdier. Entre le fin fond des forêts estriennes et le Plateau-Mont-Royal, Mandalian orchestre une cavalcade où se mêlent sexe, drogue, poursuite mortelle et billets verts. Un premier roman coulé dans le rock de la part d’une ancienne de chez Voir, dont la langue aussi crue et relevée qu’un bon tartare ne laissera pas indifférent. Une autre petite bombe des Éditions Coups de tête. 2009, 112 p. (Tristan Malavoy-Racine)
Le Lessiveur
de Franz-Olivier Giesbert
Journaliste et patron de presse, Franz Olivier Giesbert se prend, à l’occasion, pour un Simenon méridional. Avec Le Lessiveur, il a récuré sa langue parisienne au pastis: le roman oppose Charly Garbalan, parrain de la pègre marseillaise qui a survécu aux 22 balles reçues lors d’un règlement de compte, au Lessiveur, meurtrier maniaque de propreté qui fait le ménage des domiciles de ses victimes avant de les occire. L’enquête de police menée par la commissaire Sastre piétine. Garbalan la convainc de faire équipe avec lui pour débarrasser la cité phocéenne de ce nettoyeur qui fait le tour des crapules de la ville. Si le parler de Giesbert semble un peu forcé, son roman est, au moins, dépaysant. L’auteur décrit Marseille avec amour: ses calanques, ses quartiers populaires, son port. Il nous paye des vacances. Des vacances un peu violentes, mais des vacances tout de même. Éd. Flammarion, 2009, 296 p. (Christophe Bergeron)