Coco Chanel : La Grande Mademoiselle
Livres

Coco Chanel : La Grande Mademoiselle

Coco Chanel fait l’objet de deux films que l’on espère voir à l’écran au Québec cet automne. Voici deux livres qui retracent la vie d’une créatrice qui a changé pour toujours la vie des femmes.

COCO MORAND

Il est logique que ce soit Paul Morand, contemporain de Gabrielle Chanel, écrivain brillant de l’entre-deux-guerres, l’un des premiers Français à s’inspirer d’une urbanité cosmopolite teintée d’art et de jazz, qui se soit imposé comme grand biographe de Coco. Comme elle, Morand était un rebelle. Paru 5 ans après la mort de son sujet, LAllure de Chanel sera le dernier roman de Morand. Sa parution marquera la fin d’une époque.

C’est en 1946 qu’ils se sont rencontrés, tous deux en exil dans un palace suisse. Là, Morand retranscrit les longues discussions qu’il a avec Chanel. Elle se joue un peu de lui. Lui raconte ce qu’elle veut bien, s’invente une enfance auvergnate, passe sous silence ses années cabarets mais aussi son attitude pendant l’Occupation. Mais 30 années de carrière, "c’est une grande forêt". De ce cocktail de vérités et d’omissions, il tirera un magnifique texte, l’autobiographie qu’aurait pu écrire Chanel si elle n’avait pas été trop occupée à son commerce.

Morand fait plus que devenir le porte-voix de l’illustre Mademoiselle de la rue Cambon, de sa force de caractère, de son inconstance, de sa légèreté aussi, de son intelligence et de son ambition surtout: il l’incarne. On le sent possédé. C’est qu’il aura fallu une femme d’exception pour libérer les femmes en les décorsetant, pour réécrire, à elle seule, les lois de l’élégance. "La tenue esthétique n’est jamais que la traduction extérieure d’une honnêteté morale, d’une authenticité des sentiments", dira-t-elle. Mais les sentiments, pourtant, elle s’en méfie: "Combien je déteste la passion, quelle abomination, quelle affreuse maladie!"

CHANEL ET STRAVINSKI

Satie, Cocteau, Radiguet, Cendrars, Diaghilev, les grands artistes de son époque ont tous été fascinés par le charme de cette femme atypique. Si le coeur de Chanel a d’abord été celui d’un seul homme, Boy Capel, un Anglais fortuné, c’est sa relation tumultueuse et coupable avec Igor Stravinski qui fait l’objet de Coco et Igor, roman de Chris Greenhalgh que Jan Kounen a porté à l’écran cette année.

En 1913 Chanel, habillée d’une magnifique robe blanche, dont l’élégance simple contraste avec les tenues de soirée empesées des femmes de la haute bourgeoisie parisienne, assiste à la première du Sacre du Printemps, oeuvre anticonformiste qui scandalise le public. Sept ans après, Coco est au sommet de la gloire, mais elle est dévastée: Boy vient de mourir. Le hasard fait qu’elle rencontre Igor, réfugié à Paris suite à la Révolution russe. Elle lui propose de l’héberger dans sa luxueuse villa près de Garche. Le compositeur, au bord de la faillite, s’y installe avec sa femme souffrante et ses quatre enfants. Commence alors une liaison passionnée et déchirante entre les deux artistes.

C’est une Coco plus sensible, moins sèche que celle de Morand que Greenhalgh dépeint avec beaucoup d’habileté, une Coco qui a des failles dans son armure. Stravinski et Chanel, ce sont deux lignes parallèles, deux trajectoires qui ne peuvent jamais se rejoindre tout à fait. Greenhalgh place leur génie à égalité. Car coco aussi "compose" son propre chef-d’oeuvre qui, comme une symphonie, n’a de titre qu’un numéro: le 5.

L’allure de Chanel
de Paul Morand
Folio, réédition 2009, 248 p.

Coco et Igor
de Chris Greenhalgh
Calmann Lévy, 2009, 309 p.