Sylvie Massicotte : L’enfance de l’art
Cinquième recueil de nouvelles pour Sylvie Massicotte, Partir de là renoue avec la thématique du départ. Départ de l’autre ou de soi, et ses corollaires: la solitude, la peur du changement, le deuil. Touchant, mais pas dénué de clichés.
Elle avait déjà exploré le thème du voyage, dans son recueil Voyages et autres déplacements, publié en 1995. Sylvie Massicotte remet le couvert, mais cette fois-ci pour s’intéresser au départ, physique et intérieur, et à ce qui s’ensuit: deuil, solitude et renouveau. Et d’abord le grand départ, qui marque la fin d’une vie, et qui sera à la fois l’ouverture et la fermeture du livre avec les nouvelles Puisque c’est comme ça et La Petite Pièce. La mort, donc, du père, de la mère, de l’enfant, et la question de l’héritage: ce qui reste de nous, ce qu’on laisse aux autres, ce qui ne nous appartient pas, à l’image de ce lutrin, que la mère refuse de voir partir parce qu’il est ce qui la relie au mari disparu; à l’image d’un livre, qu’on abandonne sur un banc parce que sur lui reposent les stigmates du manque d’affection maternelle.
Le départ, comme l’absence de l’autre, tolérée ou non, mais aussi la perte de la mémoire, le passage d’une vie à une autre, et ultimement le renouveau. Sylvie Massicotte ne se complaît pas dans le tragique, mais ouvre des portes, comme si, à quelques exceptions près, chacune des histoires devait impérativement trouver matière à rebondissements: la mort, comme une réconciliation, la séparation, comme une occasion, le deuil, comme une ouverture aux autres. Un peu trop, parfois, les chutes sentant souvent la formule, au point de gâcher ce qui fait la force de l’auteur, la suggestion. Lorsqu’elle laisse entendre, de ce qui est, était ou sera entre les êtres, Sylvie Massicotte excelle. Sentiment renforcé par l’écriture au je, l’auteur passant d’un genre à un autre et d’une condition à une autre avec un naturel confondant.
Sensible, l’écriture manque trop d’audace, si bien qu’à l’émotion première succède l’agacement, la naïveté du propos frôlant souvent le poncif pour adolescentes. Pourtant, Sylvie Massicotte parvient à nous surprendre. Avec la nouvelle Une demi-heure, par exemple, en plein milieu du recueil, où les fantasmes secs et crus d’une adolescente pallient l’angoisse de la page vide. Livrées en vrac, dans ce qui semble être un jet d’écriture parfaitement rythmé par le stress de la jeune fille, ses pensées s’enchevêtrent en désordre jusqu’au paroxysme, la sonnerie de la cloche. "Le prof de physique entre et Madame Sophie lui sourit comme elle ne sourit jamais à personne. C’est sûrement lui qui la baise."
À lire si vous aimez /
Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part d’Anna Gavalda
Partir de là
de Sylvie Massicotte
Éd. de L’instant même, 2009, 78 p.