Éditeurs hors Québec : Donne-moi des mots
Les éditeurs étrangers feront pleuvoir sur l’automne des livres de partout. Petit guide de survie pour lecteur submergé.
À l’ombre des piles, on se pose toujours la même question: comment classer les mille titres de l’automne? Pour changer, tiens, jonglons un peu avec les paramètres. En commençant par exemple par quelques livres au titre étonnant: Kafka ramait le dimanche (Phébus), de Cédric Morgan, l’histoire de quelques meurtres qui secouent la tranquille bourgade française de Pontivy; Exit le fantôme, le nouveau Philip Roth (Gallimard), dans lequel l’auteur de Pastorale américaine poursuit le portrait de son alter ego Nathan Zuckerman, un écrivain qui retourne à New York après onze ans de retraite volontaire dans le Massachusetts profond; et, tenez-vous bien, On ne boit pas les rats-kangourous, d’Estelle Nollet (Albin Michel), qui se déroule dans un hameau perdu en plein désert et qui verra son protagoniste s’ouvrir au vaste monde.
Allons-y ensuite avec deux livres qui doivent beaucoup au chiffre trois. Le nouveau Marie Ndiaye (Gallimard), qu’on annonce comme un temps fort de la rentrée. Dans Trois Femmes puissantes, l’auteure de Rosie Carpe montre des femmes qui doivent se battre pour préserver leur dignité. Aussi à surveiller: Ce que je sais de Vera Candida, de Véronique Ovaldé (L’Olivier), dans lequel on rencontre trois femmes d’une même lignée qui semblent prédestinées à mettre au monde une petite fille dont elles devront taire le nom du père.
Ceux qui débarquent là où on ne les attendait pas, maintenant. Frédéric Beigbeder, d’abord, qui nous sert le surprenant Un roman français (Grasset), où l’hyperactif de l’Hexagone littéraire délaisse un peu les simagrées, le temps d’un émouvant parcours au pays de l’enfance. Autre surprise: Brice Matthieussent, traducteur depuis trente ans des stars de la littérature anglophone (Jim Harrison entre autres), et qui nous fait enfin entendre sa propre voix à travers… Vengeance du traducteur (P.O.L.). Comme quoi on peut sortir un écrivain d’un traducteur, mais non l’inverse! Pendant ce temps, Henning Mankell nous emmène avec Les Souliers italiens (Seuil) à cent lieues des dossiers de l’inspecteur Wallander, chez un homme qui vit reclus sur une île de la Baltique et que l’arrivée impromptue d’une femme aimée quarante ans plus tôt, maintenant à l’article de la mort, va forcer à regarder son passé en face.
Deux bouquins qui doivent quelque chose à la misanthropie: Les autres, c’est rien que des sales types, de Jacques A. Bertrand (Julliard), véritable "catalogue des êtres détestables" (du Touriste au Voisin, en passant par l’Imbécile heureux); et, quoique dans un tout autre registre, Martin Winckler, qui décrit dans Le Choeur des femmes (P.O.L.) le parcours d’un médecin ambitieux, peu enclin à écouter ses clientes raconter leur vie, mais qui remettra peu à peu en question sa froide approche du métier.
Dans le coin des jeunes prodiges, mentionnons Les Enfants de Las Vegas de Charles Bock (L’Olivier), un premier roman qui a connu un énorme succès aux États-Unis, l’imprévisible Thomas Gunzig, avec ses nouvelles rassemblées sous le titre Assortiment pour une vie meilleure (Diable Vauvert), et Joseph O’Neill, qui a vu son Netherland (L’Olivier) salué par nul autre que Barack Obama.
Puis il y a ceux que l’on ne se hasarde même plus à catégoriser, dont Pascal Quignard, qui nous offre une Barque silencieuse parfaitement libre sur la forme comme sur le fond, et José Saramago, dont on a hâte d’ouvrir Le Voyage de l’éléphant (Seuil), autour du périple d’un éléphant dans l’Europe du 16e siècle! Et parlant de grosses pointures, on attend impatiemment Gabriel García Márquez: une vie, la biographie que consacre au monstre des lettres sud-américaines Gerald Martin, prof de langues modernes à l’université de Pittsburgh.
DANS LA MIRE /
Le Voyage de l’éléphant
de José Saramago
(Seuil)
Exit le fantôme
de Philip Roth
(Gallimard)
La Barque silencieuse
de Pascal Quignard
(Seuil)
Assortiment pour une vie meilleure
de Thomas Gunzig
(Diable Vauvert)
Le Choeur des femmes
de Martin Winckler
(P.O.L.)