Patrick Nicol : L'échapper belle
Livres

Patrick Nicol : L’échapper belle

Dans Nous ne vieillirons pas, Patrick Nicol livre un récit aussi riche que peut l’être une chanson de Beau Dommage, à la frontière de la critique sociétale et du roman d’amour.

Pas de post-partum pour Patrick Nicol. Après La Notaire, roman paru en 2007 qui l’a "gardé de bonne humeur longtemps" de par ses distinctions et critiques élogieuses, l’auteur sherbrookois s’est rapidement attablé à l’écriture de Nous ne vieillirons pas. On y suit un professeur de littérature qui se réfugie dans ses souvenirs de jeunesse habités par différents personnages, et qui narre les répercussions de cette réclusion sur sa vie professionnelle, familiale et amoureuse. Tout cela, le temps d’une grippe d’homme.

En fait, il serait plus juste de parler de réécriture. "C’est un vieux livre, avoue-t-il. D’une façon ou d’une autre, ça fait 10 ans que je travaille dessus. Après La Notaire, je me suis dit que je pourrais le faire comme du monde." Ce récit, il se trouvait au coeur de sa thèse de doctorat. Ainsi, il recèle la plupart de ses obsessions, celles qui reviennent à chacun de ses romans: la maison, les travaux domestiques… "Il y en a un peu moins cette fois", précise-t-il, sourire en coin. Autre incontournable: les morts. "Dans Nous ne vieillirons pas, la femme dit: "On est un peu tanné des pères morts que tu mets toujours dans tes livres…" C’est comme si elle m’engueulait, moi… et je trouve qu’elle a raison", affirme celui qui avait également connu le succès en 1997 avec le roman Paul Martin est un homme mort.

Patrick Nicol compte donc suivre les conseils de son personnage, car ce nouvel ouvrage marque la fin d’un cycle dans lequel les narrateurs lui ressemblent étrangement. "D’un roman à l’autre, on ne peut pas dire que c’est le même personnage. Au départ, c’était intéressant de jouer à ça, mais plus j’avançais, moins j’y pensais. Je ne trouvais plus que c’était moi. La Blonde de Patrick Nicol, La Notaire et celui-là, c’est comme une trilogie. Si je sortais les trois en un seul volume, j’intitulerais ça La Trilogie de la quarantaine. C’est le thème central. En fait, c’est vieillir qui est le thème."

BOOMERS ET BEAU DOMMAGE

À 45 ans, Patrick Nicol se rappelle qu’il avait un certain mépris pour les baby-boomers dans les années 80. "Je les trouvais tristes, défaitistes, résignés…" C’est son personnage du Tragédien, un étudiant mal engueulé que côtoyait le narrateur le temps de ses études universitaires, qui résume le mieux cette pensée: "…il leur faut des alibis, des excuses… vingt ans en 1960; quarante ans en 1980; soixante à l’an 2000, c’est ça leur drame…" On s’en doute, pour plusieurs, le réveil référendaire fut brutal. "Ils se faisaient accroire que leur déprime venait de là, alors qu’elle était due au fait qu’ils avaient 40 ans. Ce n’est peut-être pas vrai, mais c’est une idée intéressante. (rires)"

Dans Nous ne vieillirons pas, c’est le Professeur qui incarne ce mal-être fataliste. Or, malgré les travers de sa personne, il a été un modèle pour le narrateur. "Le Professeur se raconte des histoires. Quand il dit en classe que les Québécois sont des impuissants, des impotents, des flancs-mous… il s’en convainc, se croit." À son tour, le narrateur se retrouve à poser le même regard ironique sur la société québécoise: "Ce qu’on appelle la littérature québécoise est le fait d’une Manitobaine, d’une Acadienne et de deux lesbiennes expatriées. Du côté des hommes, il y a le fou, les suicidés, l’homme invisible et le fils à sa maman." À vous de trouver qui est qui…

"Tout le monde se raconte des histoires, ajoute Nicol. Quand tu es instruit, tu peux rendre ça bien compliqué, alors que pour un enfant, ça reste très primaire."

Dans le roman, les chansons de Beau Dommage se révèlent une source féconde de discours probants pour le Professeur, mais pour l’auteur, il s’agit d’une véritable fascination. "Je suis trop jeune pour vraiment l’avoir vécu, mais Beau Dommage incarnait quelque chose de très québécois et de très réussi à la fois. Montréal, je trouve que c’est une des chansons québécoises les mieux écrites. "Ma première blonde, je l’ai rencontrée dans un hangar. On jouait à ‘guerre, ‘était espionne, moi j’étais mort." Je trouve que c’est l’une des plus belles phrases, vraiment." C’est peut-être dû à la mort qui rôde encore.

ROMAN D’AMOUR

La Notaire cachait brillamment en ses pages un roman noir truffé d’énigmes, alors que Nous ne vieillirons pas se dévoile entre autres comme une histoire d’amour, un éloge des relations amoureuses qui perdurent, évoluent. "Je suis content que tu penses ça. C’est un livre qui est plus optimiste qu’il en a l’air. Entre le narrateur et sa femme, il y a quelque chose qui a duré et qui a encore du sens. Le gars a 40 ans et il se demande s’il est encore intéressant pour sa blonde. C’est une vraie question. Il faudrait se la poser plus souvent."

"Je ne voulais pas faire un roman trop intello, poursuit-il. C’est de l’intello pop! Je joue sur la frontière de l’intellectuel et du populaire. J’aime ça. Il y en a qui vont penser que c’est un livre sur le Québec. Moi, je préfère penser que c’est un roman d’amour."

Nous ne vieillirons pas
de Patrick Nicol
Éd. Leméac, 2009, 134 p.

En librairie le 24 septembre

À lire si vous aimez /
La Notaire de Patrick Nicol, Philip Roth, Jacques Poulin

Nous ne vieillirons pas
Nous ne vieillirons pas
Patrick Nicol
Leméac