Martin Winckler : Corps à corps médical

Jean (prénom féminin qui se prononce "Djinn") Atwood se destine à la chirurgie gynécologique. Elle est major de sa promotion, a su briller dans un système où l’on forme les médecins à être des techniciens-réparateurs. Mais avant d’accéder au poste dont elle rêve, elle doit faire un internat de six mois.

Pas de chance, elle tombe au centre hospitalier universitaire de la ville imaginaire de Tourmens (là où se déroulent tous les romans de Winckler), dans l’unité 77 dirigée par Franz Karma, médecin atypique "à la bonhomie doucereuse" qui ne fait pas l’unanimité dans la profession. Car dans ce petit service, on pratique la "médecine de la femme", c’est-à-dire une médecine humaine, non spécialisée, à l’écoute des patientes et de leurs besoins. Une médecine des gens, pas des symptômes.

Atwood, formée dans la plus pure tradition de la médicine technique, n’a aucune envie de passer six mois à "écouter des histoires de bonnes femmes", à tenir la main des patientes. Pour elle, Karma est un idéaliste, un faux jeton manipulateur, dangereux même, qui s’oppose à l’ensemble de ses confrères par esprit de contradiction. Plus pour faire le malin que par respect pour son art. On comprend très vite qu’au contact de Karma, Atwood changera sa vision des choses. Elle abandonnera, au fur et à mesure, la ligne dure qu’on lui a enseignée à l’école.

Dans Le Choeur des femmes, Winckler, fidèle à ses habitudes, lance une attaque en règle contre les institutions médicales: hôpitaux, écoles de médecine. Pour lui, le médecin est trop souvent un être condescendant, imbu de sa personne, sans égards pour ses patients. Il dénonce avec fougue une misogynie latente des pratiques en cours. Ce livre, roman à l’écriture efficace et accrocheuse, se lit alors comme un brûlot, presque comme un avis au consommateur. C’est surtout un beau roman initiatique, généreux et enlevant.

Le Choeur des femmes
de Martin Winckler
Éd. P.O.L., 2009, 600 p.

À lire si vous aimez /
La Maladie de Sachs de Martin Winckler, Ensemble, c’est tout d’Anna Gavalda, House et Grey’s Anatomy