Nicolas Gilbert : Stupeur et tremblement
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Nicolas Gilbert : Stupeur et tremblement

Point de rencontre. Nicolas Gilbert reprend là où il nous avait laissés dans Récital: le récit à plusieurs voix d’une valse-hésitation, sur fond de concert de musique contemporaine. Partition inégale.

À l’orée de sa carrière musicale, un jeune percussionniste se voit offrir la chance de sa vie: une participation au prochain concert de l’Orchestre symphonique de Montréal, sous la direction d’un chef à la réputation ombrageuse. Le coup de triangle, le seul, qu’il doit donner à la fin de la pièce contemporaine devient peu à peu le catalyseur de peurs dont il ne soupçonnait même pas l’existence et le pôle d’un récit à trois voix. Celle du chef d’orchestre d’abord, que quelque tourment d’ordre sentimental met au bord de l’abîme et révèle à lui-même; celle d’une jeune femme ensuite, pliant sous le poids d’une existence mise au service de l’art et des autres.

Compositeur. Comme dans son premier livre, Récital, publié en 2008, Nicolas Gilbert construit le joueur de triangle en véritable connaisseur de la musique contemporaine, jusque dans la structure de son récit, qu’on devine calquée sur celle d’une pièce musicale. Ainsi en est-il de l’arrivée successive des personnages, à l’image des instruments de l’orchestre, dont les voix agissent individuellement et, une fois mêlées, composent la trame véritable de cette histoire, son essence: ce que nous avons de doutes et de forces pour avancer.

Parfaitement à l’aise lorsqu’il s’agit de décrire un milieu qui est le sien, celui de la création musicale, il recycle avec brio sa propre expérience pour pousser la métaphore. Où l’on apprend que le fameux coup de triangle est à l’image de ces peurs qui nous paralysent et nous empêchent d’évoluer: simple, irrémédiable. Où l’on devine, ensuite, la solitude des uns et des autres, concentrés sur leur propre partie à jouer, à l’intérieur de l’orchestre comme dans la vie en général. Là commence la sensation de déjà-lu.

Si Nicolas Gilbert a du talent, et particulièrement celui de camper des personnages plus vrais que nature, sa partition semble parfois manquer de subtilité. Le style pèche par un surplus de détails techniques, particulièrement dans les descriptions d’ordre musical, et gagnerait à plus de fluidité. L’écriture colle un peu trop à la réalité, comme si l’auteur avait sans cesse peur de manquer de crédibilité. La présence de l’écrivain se fait beaucoup sentir; on devine l’expérience personnelle, aussi bien dans la trame du récit que dans les questionnements existentiels des protagonistes.

Inégal, Nicolas Gilbert fait pourtant parfois montre d’une véritable virtuosité, le récit accélérant soudainement avec l’apparition du tremblement du jeune percussionniste, un passage quasi suffocant. Et, passé les premières 50 pages, le fil ténu qui compose le récit finit par captiver, révélant finalement une plume sensible qui, au-delà de ses imperfections (ou à cause d’elles?), parvient à nous toucher.

Le Joueur de triangle
de Nicolas Gilbert
Éd. Leméac (2009), 200 p.

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Le joueur de triangle
Le joueur de triangle
Nicolas Gilbert
Leméac