Catherine Lalonde : Haut-le-corps
Avec Corps étranger, recueil qui lui a valu le prix Émile-Nelligan, Catherine Lalonde creuse la veine d’une poésie ample et entêtée.
D’emblée, en couverture du bouquin, une oeuvre de Carl Pelletier suggérant ce que sera l’aventure, avant même la lecture de Corps étranger, le second recueil de Catherine Lalonde, dont Cassandre (2005) avait été agréablement reçu par la critique. L’image, donc, saute aux yeux de par son côté superbement incongru: l’oeuvre de Pelletier, curieusement, représente, en eau-forte, en peinture, un homme, nu, panaché, de bois et de cierges, le corps immergé dans une eau de cendre jusqu’au sexe, qu’on ne voit pas pourtant. Le ton est donné. L’intimité dit non.
LE CORPS-DESASTRE
Danse contemporaine, entraînement physique, technique Gyrotonic et communications, Catherine Lalonde les pratique tous, en plus d’une poésie au souffle inépuisable, autant par l’urgence du désir qui en découle que par son énergie lactique pure; véritable course de fond que ce poème-fleuve du corps écrit, étranger, qui paraît, ici, de manière incongrue, en un lieu où la poésie se fait rare, trop: Québec Amérique.
Curieusement, le recueil (qui ne fait pas réellement figure de "livre" de poèmes, étant donné sa disparité volontaire, ses sauts, ses fracas) prend pour titre celui qui chapeautait, en 2005, ici même, un article de François Couture à propos de Cassandre. Clin d’oeil, coïncidence, qu’importe. Corps étranger respire bien par lui seul, se voulant l’"histoire d’un jouir fini, son chant resté, les rêves qu’il fit naître".
LES PETITS DANGERS DE L’ORALITE
Si l’oralité et l’urbain empreignent cette poésie au langage des plus crus, c’est toutefois avec lourdeur, maladresse que l’auteure tente ici de se rapprocher d’une certaine "lecture", d’une proximité, car le souci de l’abordable insufflé aux petites histoires qui sillonnent le corps étranger, là, reste en tout secondaire, effacé, dénuant de leur force les effets de langue possibles pour insuffler l’étonnement nécessaire à l’ordinaire des choses du poème-narration. Amours troubles et désirs éclopés, récupération un peu redite du corps, malheureusement, Corps étranger aurait gagné en force à chercher l’image juste pour en extirper le cri plutôt que de décrire: "Les rues crottées de Montréal et / mon corps hors le plaisir / pareil // dans ma ville et les autres / arrachées de Toi / les déchets de la fête / deux soûlons des bouteilles un chien déjanté / du plastique […] tous cadavres laissés aux gars de la voirie".